Animaux ou humains dans un apologue ?

Sans doute, comme le suggère La Fontaine, parce que cette invention consacre premièrement un aspect divertissant à l’histoire (« c’est proprement un charme ») et deuxièmement uneefficacité persuasive (« à son gré les coeurs et les esprits »). Il est vrai que l’auteur des Fables a vite compris que pour montrer le monde tel qu’il est, il convient depersuader le lecteur en l’amusant et en l’intéressant à une histoire riches en rebondissements, plutôt qu’en lui tenant des discours sérieux (thèse qu’il défend dans le « Pouvoir desfables »). Ésope, Phèdre ou La Fontaine sont donc passés maîtres dans l’art de la mise en scène du monde animal, dans l’art de composer des fables. Leur talent a permis de faire parlerles animaux tout en inculquant à l’homme de grandes leçons moralisatrices qui depuis lors ne cessent d’être appréciées, reprises et transmises d’une génération à l’autre. L’outilallégorique est donc fondamental, mais l’animal en tant qu’emblème de l’être humain n’est pas à considérer comme une simple métaphore. Il sert de prétexte à une interprétationmorale et permet de comprendre, de diffuser un enseignement sous couvert du travestissement d’une parole qui appartient à l’auteur. La fable et ses animaux représentent un universchargé de possibilités, en mesure de critiquer les vices humains, les injustices… L’animal des fables permet de défendre et d’illustrer des idées afin d’échapper à la censure. Cetteattitude se diffuse avec véhémence au cours des siècles. La fable (déjà célèbre dans l’Antiquité) identifiée comme un traité « moral », prend malgré cela place au près de l’utopie.Cependant, notons que les moralistes du XVIIe siècle ne se savent pas moralistes : à l’époque le terme désigne un auteur traitant de morale, au sens normatif et didactique.