Dissertation

– J’ai souvent pensé que vos histoires sont des histoires que l’on trouve dans le courrier du cœur ; des histoires qui inspirent généralement la goguenardise : les amours des princes et de ces gens célèbres. Je trouve cela assez décevant, de passer de nombreuses années de sa vie à se perdre dans ce sentiment qu’est l’amour.

– Je pense, voyez-vous, qu’un écrivain de votre envergure n’est pointcapable de comprendre comme il se doit ce noble sentiment qu’est la passion, la vrai passion, destructrice et inéluctable. Un de mes plus grands rivaux, Corneille a rejoint durant toute sa vie votre façon de penser. D’après lui, la dignité de la tragédie demande quelque grand intérêt d’Etat ou quelque passion apparemment plus noble et plus mâle que l’amour, telle que l’ambition par exemple. Or,les conflits d’Etat ou l’ambition ne sont-ils pas des actes choisis par l’Homme? Des actions sur lesquels celui-ci a le total contrôle? Au contraire, l’amour est un sujet de tout temps, incontrôlable et qui peut nous amener à une perte totale de la raison. La passion se veut d’être étudiée, car elle a des effets tant moraux que physiques ! Prenons l’exemple de Phèdre, éprise d’amour pour son beaufils Hyppolite. Tout au long de la pièce celle-ci va lutter contre cet amour incontrôlé et inéluctable, qui va la mener à une perte totale de la raison puis a la mort. De plus, j’ai voulu tout au long de ma vie, montré la faiblesse de l’Homme agité par ses passions car j’ai moi-même connu cela durant ma vie, à plusieurs reprises. Ensuite, la passion est un sentiment quelque peu unique et extrême quimontre sa perfidie derrière différents visages. Y a-t-il en effet un sentiment, une force irrationnelle plus destructrice et déroutante que la passion ? Celle-ci porte en elle le germe de la mort, exclue la tendresse lorsque l’être aimé se rebelle à une flamme, et amène à l’égoïsme total. Elle amène l’Homme à son total dérèglement, et lui fait perdre toute humanité. Connaissez-vous un sentimentplus fort que tout cela ? Non, je ne pense pas. Mais hélas ! Certains ne seront jamais à même de comprendre l’importance de cette force qui assujettit l’Homme depuis bien longtemps.

– Je comprends votre avis, mais je suis simplement de ceux qui pensent que le théâtre se doit de traiter des sujets plus importants que l’amour et que le courrier du cœur n’a pas sa place au théâtre. Malgré cela, jepense que ce qui est intéressant, ce n’est pas l’histoire, mais comment on lit l’histoire.

– Venant d’un écrivain ces propos s’avèrent fort déplaisants. Certes la manière d’énoncer une histoire s’avère très importante, mais l’histoire en elle même l’est également ! En effet, l’histoire en elle-même est cruciale. Un écrivain se doit de songer autant à instruire le lecteur qu’à le divertir. Sonhistoire se doit donc d’être attrayante et de ne point ennuyer celui-ci, et c’est d’ailleurs à mes yeux toute la véritable intention de la tragédie ! Pour continuer, j’ai énormément travaillé mes œuvres tout au long de ma vie et souvent je me suis inspiré des plus grands écrivains, tel que Euripide par exemple, afin de réécrire Phèdre. Ce serait folie d’affirmer que mes œuvres inspirentgoguenardise, lorsque l’on sait que je me suis inspiré des auteurs les plus grands, qui ont su faire de l’homme un véritable héros ! De plus, votre critique va à l’encontre de Socrate, sage philosophe et fervent admirateur des tragédies d’Euripide.

Ensuite, j’ai tenté à travers mes œuvres de prôner certaines valeurs. Dans Phèdre, j’ai mis en avant la vertu. En effet, toute faute commise reste sévèrementpunie, et la seule pensée du crime est perçue avec tant d’horreur que le crime en lui-même. Prenons l’exemple de Phèdre qui, espérant la mort d’Aricie, sa rivale, va être vouée à la mort, ou encore d’Hermione dans Andromaque, rongée par la jalousie et désirant la mort de Pyrrhus, qui va disparaître dans la folie. Mes pièces se closent toujours sur la victoire de la pureté et le mal reste toujours…