Dissertation sur le roman de renart

La culture d’une société tient ses racines dans sa littérature. Au regard de la nôtre, une oeuvre comme Le Roman de Renart fait figure majeure ; en effet, ce roman, composé de branches en vers, est né de la tradition orale des conteurs, entre les fins du XIe et du XIIIe siècles. Il retrace les malices jouées par le baron Renart, vassal du roi Noble, à ses compères. A travers toute une galerie depersonnages animaux, avec les défauts supposés de leur nature, les différents auteurs du roman ont su dépeindre la nature humaine avec une certaine férocité non dépourvue d’humour ; en effet, chaque animal paraît plus humain que nature, et la caricature est plus fine qu’on ne le croit. C’est pourquoi l’on a pu caractériser Le Roman de Renart comme une œuvre subversive. Plus qu’un roman, àmi-chemin entre le conte et la farce, il est vrai qu’on ne sait trop où se situe la frontière entre la nature humaine et les vices prêtés aux animaux : comment interpréter en effet, par exemple, cette figure de Renart, personnage malicieux, et qui pourtant, s’en tire vivant à chaque fois ? Au regard de la morale chrétienne de l’époque et de la pensée politique médiévale, un tel héros paraît impensable.Mais surtout, la subversion ne s’arrête pas aux quelques farces du goupil ; car s’il reste le personnage central de la malice, tout autour de lui se construit un monde de défauts humains au travers de museaux, pattes ou encore plumes. Notre réflexion concerne en particulier la branche X de cette œuvre. Suite aux plaintes répétées et incessantes de ses sujets, Noble convoque Renart en sa cour pour yêtre jugé en bonne et due forme. C’est sans compter sur les ruses du goupil, qui va tout faire pour déjouer les plans de ses adversaires et se moquer de l’autorité une fois de plus. Ainsi, ce passage permet de comprendre d’abord en quoi consiste la subversion attribuée à l’œuvre. De plus, les thèmes qu’elle touche y sont clairement montrés. De par cette approche, il est ainsi plus facile decomprendre l’intérêt d’une telle subversion à travers l’œuvre en elle-même.

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La branche X du Roman de Renart concerne donc l’établissement du procès de Renart, suite aux multiples plaintes effectuées contre lui par ses pairs, au profit de la cour assemblée sur ordre du roi Noble le Lion. Il faut remarquer plusieurs mouvements dans le passage : les plaintes, adressées d’abord par Isangrin le Loup,puis Chanteclerc le Coq ; ensuite, les tentatives pour amener Renart à la cour assister à son procès, menées par Brun l’Ours, Tibert le Chat et Grimbert (ou Gombert) le Blaireau ; le procès, rapidement expédié, la fuite de Renart ; et enfin le siège de Maupertuis, tanière du goupil, par Noble et ses vassaux assemblés. Dès le début, la subversion du roman est clairement incarnée par Renart,personnage malicieux, qui devrait être puni de ses tromperies (incarné d’ailleurs par un renard, un goupil), et qui pourtant, triomphe à chaque fois par ses ruses, plus ou moins indemne mais vainqueur. Les farces du goupil apparaissent à chaque fois comme tournant autour de l’avidité : sexe ou nourriture semblent être ses moteurs, sauf lorsqu’il met son intelligence à se sortir d’un traquenard. Sesmoqueries sont l’apanage presque des ruses : Renart semble se divertir à mettre un point d’orgue à chaque passage par des chapelets d’insultes pour la victime de son intelligence. Il s’agit souvent de lui montrer que ce qui lui arrive n’est qu’une juste punition dans l’esprit de Renart, pour se protéger de ce qui est prévu à son égard : « Votre déloyauté va se voir sur votre figure » hurle-t-il à Brun.De plus, ce qu’il faut remarquer à l’égard de ce personnage, c’est sa cyclicité : il reprend toujours le même schéma d’action. Lorsque Brun, puis Tibert, viennent le voir, il commence par les charmer de quelques paroles, il les livre à quelque situation horrible puis s’enfuit en se moquant d’eux. Le goupil n’agit aussi que pour faire le mal : lorsqu’il prend l’initiative d’une action, c’est…