Realites des immigres en france

Le processus d’intégration des immigrés en France : inégalités et segmentation[*] [*] Je remercie Serge Paugam de son aide et de son soutien…
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AuteurMirna Safi du même auteur
LSQ-CREST-INSEE 3, avenue Pierre Larousse – 92240 Malakoff ERIS-Centre Maurice Halbwachs 48, boulevard Jourdan – 75014 Paris

Bien que la statistique publique permette d’appréhender de mieux en mieux lespopulations immigrées et issues de l’immigration, les études de type quantitatif sur ces dernières sont très rares en France [1] [1] L’étude que fait Michèle Tribalat à partir de l’enquête…
suite. Ce texte vise à analyser le processus d’intégration des immigrés de manière positive en testant, à partir d’un matériau empirique adapté, deux principales théories ayant façonné la sociologie del’immigration. La théorie classique de l’assimilation convergente et la théorie de l’assimilation segmentée que l’on développera ci-dessous se distinguent surtout par l’importance qu’elles accordent aux différents acteurs pouvant jouer un rôle dans le processus d’intégration. La première considère l’intégration comme un parcours individuel dont la vitesse et le résultat final dépendent des caractéristiques desmigrants et de leur durée de séjour, alors que la seconde l’envisage comme le produit d’une combinaison de facteurs individuels, collectifs et institutionnels, qui peut aboutir à l’observation de fortes inégalités dans le destin des communautés d’immigrés. Dans ce texte, nous cherchons à décrire ces inégalités et tentons de détecter les mécanismes qui peuvent les expliquer. Nous montrons notammentque lorsque l’on accepte des hypothèses théoriques qui s’écartent du modèle républicain, on peut trouver des résultats originaux mettant l’accent sur la complexité et la multidimensionnalité du processus d’intégration, et la diversité des modèles d’intégration possibles.

2 Nous commencerons par un bref passage en revue théorique de travaux essentiellement américains ayant façonné la réflexionsociologique sur l’immigration. Cela nous permettra de poser les hypothèses théoriques et conceptuelles de notre démarche. Nous présenterons ensuite nos données et les étapes successives du travail statistique qui nous a permis d’étudier les articulations spécifiques qui existent entre les différentes dimensions du processus d’intégration en mettant l’accent sur la diversité des modesd’incorporation (Alexander, 2001).
Assimilation classique versus assimilation segmentée

3 La théorie assimilationniste a dominé la littérature sur l’immigration pendant une grande partie du XXe siècle ; c’est d’ailleurs pour cela qu’il est commun de l’appeler la théorie classique. Cette théorie anticipe qu’au fil du temps et des générations, les populations issues de l’immigration se rapprocheraient de plusen plus des natifs jusqu’à devenir indiscernables par rapport à ces derniers. Derrière cette perspective, on retrouve l’hypothèse selon laquelle il existe un processus naturel par lequel divers groupes ethniques partagent une culture. Ce processus consisterait en une perte progressive de l’ancienne culture à l’avantage de la nouvelle et, une fois démarré, il mènerait inévitablement etirréversiblement à l’assimilation, au sens fort du terme [2] [2] Comme le souligne Gérard Noiriel (1992) la différence…
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4 La première conséquence de cette théorie est qu’elle traduit une vision individualiste de l’immigration et du processus d’adaptation des populations immigrées au pays d’accueil. De plus, l’assimilation classique considère que la migration aboutit à la situation de l’homme «marginal » (Park, 1928) : les immigrants sont attirés par la culture de la société hôte mais leur culture d’origine les « retient ». Cette manière de présenter les choses était très présente dans les travaux de l’École de Chicago sur l’immigration : R. Park et E. Burgess (1921) définissent l’assimilation comme le « partage d’une mémoire historique commune ». C’est ainsi que les premiers…