Le bonheur
C’est donc dans la disproportion de nos désirs et de nos facultés que consiste notre misère. Un être sensible dont les facultés égaleraient les désirs serait un être absolument heureux ». « Il n’estjamais moins misérable que quand il paraît dépourvu de tout ; car la misère ne consiste pas dans la privation des choses, mais dans le besoin qui s’en fait sentir. Le monde réel a ses bornes, le mondeimaginaire est infini ; ne pouvant élargir l’un, rétrécissons l’autre ; car c’est de leur seule différence que naissent toutes les peines qui nous rendent vraiment malheureux ». « En général, la viedure, une fois tournée en habitude, multiplie les sensations agréables ; la vie molle en prépare une infinité de déplaisantes. Les gens élevés trop délicatement ne trouvent plus le sommeil que sur leduvet ; les gens accoutumés à dormir sur des planches le trouvent partout : il n’y a point de lit dur pour qui s’endort en se couchant ». « Si d’abord la multitude et la variété des amusementsparaissent contribuer au bonheur, si l’uniformité d’une vie égale paraît d’abord ennuyeuse, en y regardant mieux, on trouve, au contraire, que la plus douce habitude de l’âme consiste dans une modération dejouissance qui laisse peu de prise au désir et au dégoût. L’inquiétude des désirs produit la curiosité, l’inconstance : le vide des turbulents plaisir produit l’ennui. On ne s’ennuie jamais de sonétat quand on n’en connaît point de plus agréable ». « Veux-tu donc vivre heureux et sage, n’attache ton cœur qu’à la beauté qui ne périt point : que ta condition borne tes désirs, que tes devoirs aillentavant tes penchants : étends la loi de la nécessité aux choses morales ; apprends à perdre ce qui peut t’être enlevé ; apprends à tout quitter quand la vertu l’ordonne, à te mettre au-dessus desévènements, à détacher ton cœur sans qu’ils le déchirent, à être courageux dans l’adversité, afin de n’être jamais misérable, à être ferme dans ton devoir, afin de n’être jamais criminel. Alors tu…