Independance
A partir du XVIe siècle l’Europe occidentale lance à son profit la mondialisation. Ses vaisseaux sillonnent bientôt toutes les mers du globe. Elle s’empare de l’Amérique, puise des esclaves en Afrique pendant quatre siècles, avant de s’emparer des territoires africains à la fin du XIXe siècle. Cette histoire de l’Afrique est encore aujourd’hui enseignée à partir de la vision du seul conquérant,présenté comme donnant naissance à « toute une partie de la planète qui n’existait pas jusque là », simplement parce qu’elle n’existait pas pour les Européens. L’histoire précolombienne en Amérique, l’histoire précoloniale en Afrique, sont des appendices de la préhistoire, traitées par les anthropologues et les ethnologues avec une suffisance paternaliste.
Au XXe siècle, au faîte de sapuissance, l’Europe se dévore elle-même en deux guerres mondiales abominables qui sonneront le glas de sa prééminence. La colonie anglo-américaine, qui s’était précocement détachée de la métropole à la fin du XVIIIe siècle, prend au XXe siècle le relais de la puissance européenne dans la domination mondiale, tandis que l’appendice eurasiatique des empires russe et chinois résiste à l’abri du socialisme.À l’issue de la deuxième guerre mondiale les grands empires coloniaux sont ébranlés. L’implosion de l’Europe autour du noyau dur allemand a été à l’origine de la grande recomposition de la seconde moitié du XXe siècle. L’émancipation des colonies se fait sur fond d’affrontement idéologique et impérialiste Est Ouest. Le feu des guerres coloniales embrase ce qu’on appelle désormais le Tiers Monde.En France, au mythe de la colonisation civilisatrice succède celui de la décolonisation pacifique
L’exaltation et l’orgueil nationaux survivent à l’échec de l’une et de l’autre, dans un effort de dissimulation pathétique, qui nous vaut à l’heure actuelle des débats aussi anachroniques que celui sur l’identité française, au lieu d’effectuer une radicale et salutaire clarification de l’histoireentre vainqueurs et vaincus destinés, paraît-il, à cohabiter dans l’égalité. Nous en sommes loin. Le geste magistral et profanatoire de Cheikh Anta Diop, reprenant possession de l’histoire de son continent, dès les années cinquante, a été puni d’un ostracisme résolu et persistant. L’histoire doit toujours être faite par les anciens maîtres, qui entendent le rester coûte que coûte.
Le fameuxdiscours de Brazzaville du général de Gaulle, le 30 janvier 1944, s’en tient seulement à proposer une adaptation de la domination. Avec la conviction d’une grande magnanimité il préconise d’admettre l’indigène à partager son propre gouvernement. Après la deuxième guerre mondiale, le gouvernement provisoire de la France, par une ordonnance du 22 août 1945, établit que les élections auront lieu dansl’Empire français au double collège, celui des citoyens, français métropolitains, et celui des autochtones. En avril 1946 l’assemblée constituante abolit le code de l’indigénat avec le travail forcé et la justice indigène spéciale. La loi Lamine Gueye accorde théoriquement la citoyenneté aux habitants des colonies. La constitution de la IVe république, ratifiée le 27 octobre 1946, institue l’UnionFrançaise, qui remplace l’Empire français. Les anciennes colonies deviennent des territoires ou des départements d’Outre Mer. Les anciennes colonies allemandes sous mandat de l’ONU, Togo et Cameroun, sont intégrées à l’Union française. Mais les massacres de Sétif le 8 mai 1945, le jour même de la capitulation de l’Allemagne, la répression de l’insurrection de Madagascar en 1947 puis le déchaînementdes terribles conflits indochinois, de 1946 à 1954, et algérien, de 1954 à 1962, montrent la réalité et la détermination de l’ambition impériale qui subsiste intacte sur le fond.
Les aspirations des colonisés à une légitime émancipation ont toujours été considérées comme des agressions injustifiées contre la puissance française
Traque des syndicalistes, poursuites contre les nationalistes…