Les retraites réforme 2010

Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste LEMONDE.FR | 17.09.10
« Sur le fond, pourtant, repousser l’âge légal de départ à la retraite est une nécessité largement admise sauf à entretenir un mensonge général sur la capacité de l’Etat à financer le système, il faut bien regarder les réalités en face ». C’est en ces termes qu’Eric Fottorino énonce l’équation intangible de l’avenir de nosretraites, dans Le Monde du 9 septembre.
Examinons donc cette affirmation. « Sur le fond, pourtant, repousser l’âge légal de départ à la retraite est une nécessité largement admise ». Largement, mais par qui ? Pas suffisamment en tout cas pour convaincre davantage qu’une minorité des Français, que l’on trouve principalement parmi les retraités et l’électorat fidèle au président, comme l’illustrenttoutes les études réalisées pour sonder l’opinion des Français sur le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et 67 ans. Pas assez largement pour convaincre un seul syndicat au cœur de la très large diversité syndicale française à l’exception de celui des patrons. Pas non plus, enfin, pour inverser la courbe de mobilisation des Français qui battent le pavé de plus en plus nombreux pourrefuser le report de l’âge légal de départ à la retraite.
« Sauf à entretenir un mensonge général sur la capacité de l’Etat à financer le système. » Ainsi la « vérité » commanderait de dire qu’il faut relever l’âge de la retraite. Prétendre le contraire, serait donc mentir. Parmi les arguments-massue servis pour plaider cette option, on entend inlassablement répéter que l’espérance de vie augmente,que le nombre d’actifs diminue, que le nombre d’inactifs augmente et que tous les autres pays européens ont déjà agi en ce sens. Les exemples allemand et espagnol sont régulièrement convoqués pour montrer aux salariés français la voie à suivre. Tous ces arguments se discutent et se réfutent si l’on regarde de plus près la situation hors de nos frontières. En Allemagne et en Espagne, ontravaillerait plus longtemps donc qu’en France, jusqu’à 65 ans et bientôt 67 ans !
Dans la plupart des pays européens, l’âge de référence n’est pas l’âge légal de départ en retraite mais l’âge de départ sans décote – l’équivalent chez nous de l’âge légal de départ à taux plein. Ce qui place d’ores et déjà la France, l’Allemagne et l’Espagne à égalité : 65 ans dans chacun des pays. Si l’on se penche non plussur les âges légaux, mais sur l’âge effectif, celui auquel les salariés quittent réellement le marché du travail, la proximité des situations en Europe est frappante : 61,5 ans en France, la même chose en Espagne, 62 ans en Allemagne.
La situation des Français vis-à-vis de l’âge légal de départ est donc, avant même la « réforme » gouvernementale, équivalente à celle de l’Allemagne et de l’Espagne.Mais elle se détériore quand on compare le calendrier de passage à 67 ans. C’est en 2029 que les Allemands verront l’âge de départ à la retraite sans décote reculer de deux ans. C’est en 2027 que les Espagnols passeront ce cap. Les Français n’auront pas cette chance : c’est dès 2016 que la réforme française entrerait en vigueur.
Mais s’il est un point où la comparaison tourne franchement audésavantage des Français, c’est celui du nombre d’annuités requises pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Il faut travailler 35 annuités en Allemagne et en Espagne contre 41 en France !
Enfin, ultime paradoxe, l’indicateur de fécondité est de 2 en France en 2008 contre 1,4 en Espagne et en Allemagne. En 2008, en France, 829 300 enfants sont nés pour une population de 63 millions d’habitants,contre 682 500 pour une population de 82 millions d’habitants en Allemagne et 519 100 enfants en Espagne, pour une population de 44,5 millions d’habitants. Notre démographie est la plus dynamique d’Europe, significativement devant celle de l’Allemagne ou de l’Espagne. Et pourtant, non seulement les salariés français devront cotiser 6 annuités et demi de plus que les allemands et les espagnols pour…