Code civil de 1804: esprit du siècles ou esprit des siècles?

Sujet: Le code civil de 1804: esprit du siècle ou esprit des siècles?

« Voulez-vous avoir de bonnes lois? Brûlez les vôtres et faites-en d’autres. » Cette déclaration de Voltaire s’inscrit dans la politique de la table rase contre-révolutionnaire dont le principe était de construire de nouvelles bases juridiques. Cette pratique relève de la science fondée sur l’esprit de système ou esprit dusiècle. La loi du 30 ventôse en XII, au terme de son article 7, ne se contentait pas de codifier le droit nouveau elle contenait en outre une formulation générale d’abrogation du droit antérieur. L’esprit du siècle repose donc sur une idée de nouveauté législative pour construire un code de rupture avec le passé.
Or, il est nécessaire de concilier les réformes révolutionnaires avec lestraditions profondes du peuple français et de conserver des anciennes coutumes tout ce qui pouvait être maintenu pour ne pas bouleverser les mœurs et habitudes des Français. Le code se devait d’être un lieu de mémoire, un code de consolidation avec le passé. Ceci qualifie l’esprit des siècles dont le partisan par excellence est Portalis. Selon cet esprit des siècles, le droit est le fruit d’une histoireet doit s’inscrire dans la continuité historique de la société.
La question est donc de savoir: En quoi le Code civil de 1804 est-il une œuvre de compromis entre le legs de l’Ancien régime et l’apport de la Révolution vers une France moderne?
Afin d’appréhender ce sujet dans toute sa complexité, nous analyserons dans un premier temps le caractère innovant et systématisé du code civil freinépar l’esprit des siècles avant d’étudier le caractère historique de celui-ci tout en coordonnant passé et avenir.

I/ Le Code Civil de 1804: œuvre créatrice d’idées nouvelles systématisées modérée par l’esprit des siècles.

Les rédacteurs du Code Civil de 1804 souhaitent une œuvre innovante, et veulent créer non une compilation de droit préexistant mais une codification nouvelle sur denouvelles bases juridiques fondée sur la Raison et la nature humaine. Or, Napoléon Bonaparte a réalisé que le Code Civil devait aussi se fier à la société réelle ayant baignée dans le droit antérieur et ayant forgée ses habitudes et mœurs sur ce droit.

A/ La Raison et la nature humaine, fondements de la législation civile

Au XVIe siècle, on essaie de recenser les textes romains originaux et deles classer par thèmes pour s’en inspirer pour le Code Civil. Par la suite, Grotius, en s’inscrivant dans la lignée des penseurs de l’Ecole Moderne de droit naturel, reprend cette méthode tout en la réinterprétant. Selon lui, il ne s’agit pas de créer un Code méthodique mais une codification intellectuelle. En effet, il souhaite exposer le droit selon un ordre rationnel: le droit naturel est undroit rationnel car il se trouve dans la raison de l’homme. De plus, le droit romain est un droit rationnel. Grotius en tire la conclusion que le droit naturel se trouve dans le droit romain. Il faut donc faire l’inventaire de toutes les règles romaines et d’en dégager des postulats. Ces postulats permettront de dégager des théorèmes: c’est la méthode géométrique. Il s’agit donc de créer du droit àpartir du droit romain. Les postulats nouveaux créent de nouvelles règles de droit par la raison.
De plus, les jurisconsultes de l’Ecole moderne de droit naturel, tels que Grotius, Hobbes, Rousseau, s’accordent sur un point fondamental: le droit est fonction de la nature humaine. Selon eux, il y a un Dieu créateur qui a donné à l’univers des règles de droit gravées dans le cœur des hommes. Lelégislateur doit être le greffier de la Nature, il doit décalquer les règles de la nature humaine. De ce droit naturel, le droit romain « raison écrite » est la plus riche réserve. Avec cette École, une nouvelle forme d’universalité est conférée au droit romain, réordonné. C’est sous la forme de droit naturel que l’esprit systématique revient en France. Dans cette mouvance s’inscrit Jean Domat qui…