Commentaire

CONSEIL D’ETAT, 20 octobre 1989, NICOLO

(Lebon p.190)

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SOMMAIRE

I / Les fondements de la primauté du traité sur la loi postérieure.

A) Les raisons qui ont déterminé le Conseil d’Etat a opérer un revirement de jurisprudence.

B) L’article 55 de la Constitution : fondement de la primauté du traité sur la loi postérieure.II / Les effets de l’arrêt Nicolo sur le régime juridique des traités.

A) Le contrôle par le juge administratif des conditions de ratification et de réciprocité.

B) L’interprétation des traités par le juge.2

CONSEIL D’ETAT, 20 octobre 1989, NICOLO

Par l’arrêt Nicolo du 20 octobre 1989, le Conseil d’Etat a accepté d’écarter l’application d’une loi postérieure à un traité et qui lui est contraire [1].
En admettant la primauté du traité sur la loi qui lui est postérieure, le juge administratif s’est libéré d’un interdit qu’ils’imposait pour des raisons de moins en moins convaincantes [2].
Il met aussi fin à une double faille, dans l’ordre juridique français et européen, où il était la dernière des juridictions suprêmes des Etats membres de la Communauté Européenne à méconnaître la primauté du droit communautaire.

Ce revirement a eu lieu à l’occasion d’un contentieux relatif aux élections européennes du 18 juin1989. En France, ces élections sont organisées sur la base de la loi du 7 juillet 1977.
Le requérant demandait au Conseil d’Etat de prononcer l’annulation de ce scrutin.
Dans sa requête, il indique que le scrutin européen n’aurait pu légalement se dérouler dans les départements et territoires d’outre-mer (DOM-TOM), ni donner lieu à l’élection de candidats originaires de ces collectivitésterritoriales [3].
Pour cela, il soutient que les DOM-TOM sont exclus du territoire électoral défini par la loi de 1977 laquelle ne vise que le territoire européen de la France.
Il ajoute que même si l’article 227-1 du Traité de Rome du 25 mars 1957 prévoit que le présent traité s’applique à la République française, laquelle inclut les DOM-TOM, c’est la loi de 1977 qui doit s’appliquer car elle lui estpostérieure.
En fait, le requérant invite le Conseil d’Etat a continuer a appliquer sa jurisprudence traditionnelle, c’est-à-dire, celle dite « des semoules ».

Cependant, l’article 55 de la Constitution prévoit que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, deson application par l’autre partie. »
En faisant cette requête, le requérant soulève la question des conditions d’application de l’article 55 de la Constitution dans l’hypothèse où le traité est antérieur à la loi [4].

Le Conseil d’Etat a décidé de valider les élections et ainsi de faire prévaloir le traité sur la loi postérieure.
Pour rejeter la demande du requérant, nous verrons que leConseil d’Etat a procédé à une nouvelle lecture de l’article 55 de la Constitution ( I ). Ce qui constitue le fondement de la primauté des traités sur la loi postérieure.
Dans un deuxième temps, nous verrons les implications que peut avoir ce revirement sur le régime juridique des traités ( II ).

1. Revue Française de Droit Administratif 1989, note de Bruno Genevois, p 824.
2.Dalloz 1990, p 57, note de Robert Kovar « le Conseil d’Etat et le droit communautaire de l’état de guerre à la paix armée ».
3. Conclusions du commissaire du gouvernement M.Frydman, La Semaine Juridique 1989.II. Article n° 21371.
4. Conclusions du commissaire du gouvernement M.Frydman, La Semaine Juridique 1989.II. Article n° 21371.

I / Les fondements de la primauté du traité sur la loi…