Pierre de ronsard  » ode « 

Poème étudié :

Ma douce jouvence est passée,
Ma première force est cassée,
J’ai la dent noire et le chef blanc,
Mes nerfs sontdissous, et mes veines,
Tant j’ai le corps froid, ne sont pleines
Que d’une eau rousse en lieu de sang.

Adieu, ma lyre, adieu,fillettes,
Jadis mes douces amourettes,
Adieu, je sens venir ma fin :
Nul passe-temps de ma jeunesse
Ne m’accompagne en la vieillesse,Que le feu, le lit et le vin.

J’ai la tête toute élourdie.
De trop d’ans et de maladie ;
De tous côtés le soin me mord,
Et soit quej’aille ou que je tarde,
Toujours après moi je regarde
Si je verrai venir la Mort,

Qui doit, ce me semble, à toute heure
Me menerlà-bas, où demeure
Je ne sais quel Pluton, qui tient
Ouvert à tous venants un antre
Où bien facilement on entre,
Mais d’où jamais onne revient.

Pierre de Ronsard, Odes

Dans ses Odes (1550-1556) ou dans les sonnets des Amours, Ronsard a bien souvent chanté lethème épicurien de la joie de vivre et de la joie d’aimer, de même que son corollaire : le sentiment de la fuite du temps et l’angoisse dela mort. Vers la fin de sa vie, ces thèmes vont trouver dans son oeuvre une résonance plus personnelle et plus émouvante : malade,alité, torturé par la goutte, Ronsard écrit encore quelques poèmes où il exprime ses souffrances physiques et sa préoccupation de l’au-delà.