Le hors-cadre ou l’exploration des possibles

Le hors-cadre ou l’exploration des possibles

Préambule

L’envie de faire du hors-cadre le sujet de mon travail m’est venue après un cours, lorsque j’ai repensé à l’exposition de Valérie Jouve au Centre Georges Pompidou[1], et durant laquelle je n’ai trouvé les œuvres exposées « complètes » qu’après coup, en consultant l’ouvrage dans lequel elles sont regroupées[2], et où, à la différence del’exposition, chacune d’entre elles est accompagnée d’un texte assez bref, décrivant parfois la photo, parfois le contexte dans lequel elle avait été prise, ou bien encore une ambiance. Pour moi, le cadre de ces photographies s’étendait donc désormais au texte, et le hors-cadre, entendu comme ce qui est en dehors du cadre physique, en arrivait donc à faire partie intégrante du cadre.
A partirde là, j’en suis venu à me poser certaines questions. Le cadre est bien sûr très attractif. Comme limite, mais aussi comme espace, il peut se révéler très souple, et même protéiforme. Il y a toutes ses conceptions, ses dépassements.
Mais le hors-cadre ne s’en retrouvait, pour moi, que plus intéressant. Parce qu’il est moins étudié (ou, tout du moins, me semble-t-il). Parce qu’il concerne tout cequi est en dehors du cadre, mais également sur la limite même ; la limite étant, elle, le cadre. Qu’il peut lui-même former un nouveau cadre. La question de savoir ce qui se passe, par exemple, en dehors du cadre d’une photographie peut facilement nous titiller. Tout comme de se demander le monde qu’un peintre a pu imaginer au dehors des limites de son tableau, et qui a son influence propre sur lecontenu du tableau.
Petit à petit, j’en suis donc venu à me demander comment se créait le hors-cadre, selon quels principes et mécanismes, et pour quelles raisons.

Introduction

Voir comment et pourquoi le hors-cadre se créé, tel est ce que je me suis fixé d’étudier. Parce que ces processus, s’ils sont parfois évidents, ne le sont pas toujours, et qu’ils créent une grande richesse dansleurs domaines d’application, mais aussi parce que, par cette richesse, ils brouillent assez facilement les pistes et ne nous permettent pas toujours de les appréhender comme tels, pour ce qu’ils sont vraiment.
Pour commencer, je me propose donc de livrer une définition rapide de ce en quoi consiste un hors-cadre, ou tout du moins de l’acception dans laquelle je le comprends et l’étudie. Ensuite,à travers de rapides études de cas appliqués à divers domaines, nous tâcherons de donner une gamme représentative d’exemples pouvant nous éclairer sur les divers modes de création de ces hors-cadres. C’est-à-dire fournir une base suffisante pour pouvoir établir des recoupements à partir desquels nous pourrions les regrouper ou bien le différencier. Enfin, après avoir mis en lumière le problème dela « mode », de l’évolution des codes de valeur, qui déterminent évidemment la perception de ce que l’on considère comme hors-cadre, nous nous efforcerons d’identifier les permanences, et ainsi de voir les leçons que l’on peut tirer, et ce en quoi ces conclusions peuvent nous aider à identifier et comprendre ce processus, leur sens, leur raison d’être et leur rôle, leurs objectifs éventuels.Définition

Le hors-cadre, nous pouvons le concevoir de deux manières assez simples, mais déjà suffisamment riches de sens et de possibilités pour pouvoir servir de base à notre étude.
Le premier serait « ce qui ne cadre pas ». C’est-à-dire ce qui dérange, parce qu’il existe un espace, un vide, entre la conception que nous faisons de ce que devrait être le cadre et ce hors-cadre qui fait que,d’une certaine manière, nous le rejetons comme impropre. Même si nous le rejetons pas toujours, nous le considérons tout de même comme un objet autre, différent du premier.
En second lieu, il peut s’agir de l’espace qui est en dehors du cadre, mais qui lui reste intimement lié, et, d’une certaine manière, en dépend, puisqu’il est constitué, défini par l’existence même et les bornes du premier….