Prix nobel
Le prix Nobel de littérature est attribué par les 18 membres de l’Académie suédoise (créée en 1786 sur le modèle de la française), sur proposition des 5 membres du Comité Nobel. Le Comité examine les candidatures déposées avant le 1er février. Seuls les membres des académies (française, suédoise, espagnole, etc.), les présidents du Pen Club, les profs de littérature en université et les lauréatsd’un prix Nobel quelconque sont habilités à proposer des candidats. Le Comité en retient d’abord une vingtaine. Après le refus de Sartre, il a pris l’habitude de contacter les candidats pour s’assurer de leur accord, au cas où… Ainsi Borges a-t-il répété vingt années durant qu’il accepterait le prix si on le lui décernait, et il ne l’a jamais eu. Il est possible que l’Académie ait renoncé depuisà cette précaution. La décision est prise à la majorité, mais présentée comme unanime.
Le prix Nobel de littérature tire son prestige :
– de son ancienneté (1901),
– de sa liaison (en fait artificielle) avec les prix scientifiques présumés sérieux,
– de son cosmopolitisme (107 lauréats ressortissants de 36 pays, dont l’Inde, le Chili, l’Islande, le Guatemala, le Japon,l’Australie, le Nigéria, l’Egypte, la Turquie et le Pérou depuis 2010),
– du montant du prix (200 000 francs-or en 1901, un million d’euros en 2008),
– d’une quarantaine de lauréats incontestables.
L’obtenir est devenu le rêve de beaucoup d’écrivains et ils l’avouent sans fard.
L’Académie suédoise essaie de tenir l’équilibre entre des logiques contradictoires :
– la diversité des genres,sauf que le théâtre a été oublié entre Beckett (1969) et Dario Fo (1997), sauf que la poésie attend son tour depuis 1996,
– la qualité littéraire, sauf que l’Académie suédoise pèche par conservatisme (en 1903, elle préféra Björnson à Ibsen, Martin du Gard à Valéry en 1937, Aleixandre à Borges en 1977, Golding à Claude Simon en 1983, etc.),
– la rotation géographique, sauf que l’Europe rafletrois prix sur quatre (12 des 16 derniers lauréats étaient européens. Les autres : le Chinois Gao, naturalisé français, en 2000, le Sud-africain Coetzee en 2003, le Turc Pamuk en 2006, le Péruvien Vargas Llosa en 2010),
– la tolérance politique, sauf que l’Académie penche à gauche, voire très à gauche (prix donnés à Dario Fo en 1997, José Saramago en 1998, Gunther Grass en 1999, J. M. Coetzeeen 2003, Elfriede Jelinek en 2004, Harold Pinter en 2005 et J.-M. G. Le Clézio en 2008), et Horace Engdahl, secrétaire perpétuel de 1999 à 2009 (qui conserve sans doute une certaine influence), ne fait pas mystère de son hostilité aux candidats américains (Philip Roth notamment). De ce point de vue, le prix 2010, donné à un écrivain ultra-libéral, marque une rupture.
Anecdotes :
1)L’année de la première distribution, personne n’avait proposé à temps le nom de Tolstoï. Quand Strindberg et les littérateurs suédois ont appris que le prix était allé à Sully Prudhomme, de honte, ils ont écrit une lettre d’excuse à Tolstoï. Celui-ci leur a répondu que de toute façon il aurait refusé. Et c’est en s’appuyant sur cette réponse que Wirsen, secrétaire perpétuel et président du Comité, aexclu que le prix lui soit jamais voté.
2) Le même Wirsen a imposé les premiers prix. C’est donc lui qui a fait le choix méritoire du cosmopolitisme et celui moins inspiré d’une rotation géographique implacable avec le Français Sully Prudhomme en 1901, l’Allemand Mommsen en 1902, le Norvégien Björnson en 1903, l’Espagnol Echegaray en 1904 (mais il dut partager son prix avec Frédéric Mistral), lePolonais Sienkiewicz en 1905, l’Italien Carducci en 1906, l’Anglais Kipling en 1907, la Suédoise Lagerlöf en 1909, le Belge Maëterlinck en 1911. Mais, comme Wirsen était germanophile, les Allemands se taillèrent la part du lion avec les prix attribués à Eucken en 1908 et von Heyse en 1910. La plupart de ces lauréats sont tombés dans l’oubli : hostile à Zola, à Tolstoï, à Ibsen, à Strinberg, et…