Normes et ecarts
3. Etude des énoncés
3.1. Les énoncés
Les énoncés produits par les locuteurs comportent des matériaux composites de syntaxe, de prosodie, de sémantique, de pragmatique, ainsi que tout un ensemble de routines de discours, certaines relations étant signalées par des marqueurs morphologiques et d’autres non. Comme ces organisations ne peuvent pas être caractérisées uniquement par la syntaxe descatégories grammaticales, plusieurs études récentes se sont accordées pour les situer à un niveau plus englobant de macro-syntaxe. L’unité minimale de l’énoncé est définie comme un noyau, séquence autonome, caractérisée par un contour mélodique qui en marque la fin, autour de laquelle peuvent se disposer différents éléments[1].
Le noyau n’a pas une forme grammaticale déterminée. Caractérisépar une intonation autonome et une mélodie conclusive, il donne l’effet d’énoncé complet, doté d’autonomie. Il ne comporte pas nécessairement un verbe, mais il peut recevoir librement des modalités assertives, négatives, interrogatives, le modèle le plus réduit étant représentés par oui, non, qui peuvent former des énoncés à eux seuls. Avant et après le noyau se trouvent divers composants, quipeuvent aller du très simple au très compliqué.
La présentation se fera en trois parties. La première abordera le traitement macro-syntaxique des domaines régis; c’est là que seront abordés plusieurs problèmes posés par la syntaxe segmentée[2]. La deuxième mentionnera quelques types de regroupements faits sans lien de rection, comme par exemple les regroupements par symétrie ou par corrélation. Latroisième traitera de quelques grands types de macro-syntaxe, noyaux avec ou sans verbe, et quelques exemples typiques des zones d’avant et d’après le noyau.
3.2. Extension des domaines régis
3.2.2. Constructions clivées
Le modèle de construction clivée est [c’est X qu- Verbe], avec par exemple X représenté par lui et le verbe par avait signé pour l’Algérie:
c’est lui qui avait signé avecl’Algérie
Cette construction est souvent caractérisée par sa capacité à mettre en valeur l’élément X en le focalisant. Comme c’est une instance distinguée parmi d’autres instances possibles dans un même paradigme[3], ce statut ajoute à la dépendance grammaticale plusieurs effets sémantiques. La construction utilise un matériel spécifique, le verbe c’est, dont on a vu qu’il se comporte comme unauxiliaire au service de cette relation de rection entre X et le verbe. La forme prosodique peut être liée ou segmentée. Elle est segmentée dans l’exemple suivant, où lui porte un contour d’intonation finale, avec une forte accentuation :
c’était lui qui nous faisait danser
? – – – – – ?
Elle est également segmentée dans cet exemple de forme c’est X que :
nonc’est dans le cas des traitements chroniques [accentuation forte sur chroniques, intonation conclusive] que le médecin prescrit beaucoup la même chose [mélodie post-finale]
C’est une intonation typique des emplois à fort contraste (c’était lui et personne d’autre, c’est dans ce cas et pas un autre). En termes de macro-syntaxe, la première partie c’était lui forme un noyau et la partie comportantle verbe, qui nous faisait danser, est segmentée et placée dans la zone post noyau. C’est très net dans les exemples opposant une modalité négative à une positive, c’était pas X c’était Y :
c’était pas le calcium qui soignait c’était la seringue qui soignait
on ne parlait pas avec maman parce qu’elle n’avait pas le temps de nous écouter – c’est avec papa que je discutais
En raison decette autonomie de l’intonation, la construction peut être raccourcie, la partie clivée faisant énoncé à elle seule :
L1. je ne sais pas qui c’est qui lui a vendu – L2. c’est quelqu’un du quartier
c’est pas le travail qui me fait peur moi c’est l’ambiance
On peut interpréter c’est quelqu’un du quartier comme un raccourci de c’est quelqu’un du quartier qui lui a vendu, et c’est l’ambiance…