L’émotion en relations internationales

Laura Moricheau Institut d’Etudes Politiques de Paris – Année 2007-2008, Semestre 1 Master Affaires Internationales (spécialité Sécurité internationale) Théorie des Relations Internationales Cours-séminaire de Thierry Braspenning Balzacq

Dissertation : L’émotion en relations internationales
Introduction I. L’Emotion chez les acteurs nationaux et transnationaux a. L’émotion dans la prise dedécision au sein du système international 1. Une construction sociale et matérielle 2. L’influence des affects des dirigeants sur la conduite d’une politique étrangère 3. L’usage de l’émotion pour convaincre dans les relations bilatérales et multilatérales b. Les entreprises humanitaires et les organisations non-gouvernementales : stratégies victimaires et humanitarisation des conflits 1. Lesentreprises de charité et leur relégation médiatique 2. L’instrumentalisation de l’émotion sur le « marché victimaire » II. Mémoire collective, souvenirs, références historiques : contenu émotionnel possibilité d’exploitation a. Le rôle du partage d’une histoire commune dans les dynamiques d’engouement pour une nation ou un mouvement politique 1. Différentes définitions de l’affect en sciences sociales2. Les suites du 11 septembre 2001 : un exemple de réponses émotionnelles à un sentiment de menace b. Connexion entre symboles et identité nationale ou sociétale 1. La place du registre émotionnel dans la mobilisation nationaliste 2. Les calculs stratégiques des leaders politiques Conclusion et

La séparation de l’émotion et de la rationalité a longtemps été privilégiée en Théorie des RelationsInternationales, notamment par la tradition réaliste, avant que l’influence croissante des approches réflexives et constructivistes ne rende cette démarche caduque. En effet, nier l’imbrication de la passion et de la raison ne fait plus vraiment sens aujourd’hui. Si le Réalisme a parfois accordé un certain intérêt aux émotions, notamment à l’influence de la peur, les réalistes structurels ontmaintenu l’émotion à la périphérie de leurs analyses en se focalisant sur les sources systémiques des conflits internationaux. Ces dix dernières années, les réalistes ont toutefois été influencés par la psychologie politique, au même titre que les constructivistes qui se sont mis à envisager les événements ayant trait à l’émotion comme des éléments importants de la construction sociale de l’identité.En effet, par le biais de travaux sur les dimensions émotionnelles de l’identité politique – notamment sur les notions de traumatisme, de mémoire et d’humiliation –, les constructivistes ont souligné l’intérêt de la prise en compte de l’émotion dans l’étude des relations internationales. L’idée que les émotions jouent un rôle d’intermédiaire entre notre réceptivité et les phénomènes pouvant êtrequalifiés d’identitaires a progressivement fait sens. Si certaines émotions peuvent encore paraître trop désarticulées ou quelque peu impromptues et imprévisibles pour être empreintes de signification et nécessiter la mise en œuvre d’un champ d’analyse particulier, l’on peut penser, comme le suggère Andrew Ross1, que cela est peut-être précisément du au fait que les outils et les techniquesd’analyse développés par les différentes écoles et chapelles de la discipline des Relations Internationales restent inadaptés et trop étriqués pour envisager de façon satisfaisante l’étude des émotions. En ce sens, si les post-structuralistes ont élargi l’étude de l’identité à l’analyse de la mémoire, des souvenirs et des

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ROSS, Andrew A. G. “Coming in from the Cold: Constructivism and Emotions”.European Journal of International Relations, Année 2006, Vol. 12, N°2, p. 198. [Page consultée le 16/11/07].

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affects, cette démarche n’a pas encore été acceptée et intégrée par les formes les plus orthodoxes du Constructivisme. La définition et les limites à donner au concept d’émotion suscitent divergences et débats passionnés. L’on peut donc tout d’abord se demander qu’est-ce qu’une…