Pour une loi sur la séparation de l’entreprise et de l’état
Pour une loi sur la séparation de l’Entreprise et de l’Etat
Ou de la vérité au bonheur révélé
Par Ollivier Ruca
L’obscurantisme religieux qui a régné sur notre pays une bonne quinzaine de siècles n’a jamais été synonyme de progrès, ni sur un plan humain, ni sur un plan scientifique. Il aura fallu l’apparition de la typographie et du livre, les consciences éclairées de nosLumières, plus d’un siècle de combats incessants, pour qu’au début du 20ème siècle, le « petit père » Combes parvienne définitivement, par une loi drastique, à libérer le pouvoir temporel du joug du spirituel. Quand, en 1905, il fait voter par l’Assemblée la loi de la Séparation de l’Eglise et de l’Etat, Combes ne fait pas que des heureux. Les religieux doivent quitter les hôpitaux, lesadministrations, les écoles. Des siècles d’hégémonie remis en cause par une simple loi. Une manne financière gigantesque qui s’évanouit sur un vote. Une tutelle millénaire qui cesse de s’exercer par la volonté des hommes de choisir leur voie en dehors d’une vérité révélée sous forme de fable. Séparer les pouvoirs spirituels et temporels a été une solution viable et efficace pour libérer l’homme d’unereligion dogmatique ne servant l’intérêt que de quelques uns, tout en établissant une morale fondée sur l’interdit et la culpabilité.
Un siècle plus tard, cette loi est mise à mal, et son application sans cesse bafouée. Les religions, par un ensemble de satellites et de puissants réseaux élitistes sont parvenues à la contourner. La manne de l’Etat, dans une sociale démocratie chrétienneconservatrice, continue à octroyer de nombreux subsides. Rome encaisse toujours de confortables rentes par le biais d’associations largement subventionnées grâce aux fonds publics. Son école est favorisée. Ses positions sont préservées.
Le danger est pourtant ailleurs : dans la main mise totale que l’économie impose aujourd’hui à l’Etat. La nouvelle religion qui s’affirme est celle de l’argent. Petit àpetit, pas à pas, elle envahit tout. En martelant, par médias interposés, que la consommation c’est le bonheur, les puissants font de cette nouvelle religion la base de tout. L’argent n’est plus un moyen d’échange, mais une finalité de la vie. Faire du fric… L’entreprise supplante l’église. Pour ces nouveaux apôtres, l’argent est le moteur de toute réflexion, de toute action. C’est la clé dubonheur… et du pouvoir. Aucun être humain ne doit ignorer ce nouveau chemin. Aucune barrière ne doit se dresser. Marché, rentabilité, profit, productivité, résultat, bénéfice, croissance, inflation, ce sont les nouveaux mots d’ordre. Sécurité, inégalité, individualité, c’est la nouvelle devise. Consomme et tais-toi remplace prie et tais-toi! L’intrusion des dogmes religieux dans les affaires del’Etat est une calamité. L’imposition de ce nouveau dogme universel apparaît encore pire.
Le parallèle entre l’entreprise et l’église est d’autant plus évident que les deux savent parfaitement s’entendre quand il s’agit de s’emparer du bien public. Les journaux financiers sont la Bible des temps nouveaux. L’image a remplacé l’icône. Des animateurs journalistes à l’ordre nous parlent de lacroissance, comme les moines sermonnent la résurrection du triste ressuscité. Des ministres patrons, moulés dans une énarchie ultra libérale, nous gargarisent de mots économiques, comme les curés ânonnent leur leçon évangélique. Combien de milliards de pots de vin ? Combien de complicités financières ? Combien de postes supprimés sur une simple logique de profit ? Combien de misères pour qu’une poignéed’humains ait l’illusion d’un bonheur révélé sans conscience ni consistance ? Le tout consommation bouscule les valeurs. Il chamboule les repères. Faire croire que le bonheur se trouve dans la consommation, dans l’achat, la possession, c’est ça le bonheur révélé ! Vivons heureux, vivons riche ! Cela peut apparaître comme un non sens, mais c’est pourtant ainsi. Un renversement de tendance….