Nerval folie
Nerval accorde au rêve une valeur de révélation et les rattachent aux préoccupations qui ont été les siennes. Selon lui : « Le rêve est une seconde vie », et c’est ainsi qu’il ouvre le récit d’Aurélia (qui au départ se nommait « le rêve et la vie »). Le chapitre commenté est situé dans la seconde partie. C’est un récit, apparemment exact, des événements qui se sont succédés en 1853, dans la viede Nerval depuis l’entrée à la maison Dubois jusqu’à l’entrée chez le Docteur Emile Blanche, à Passy, soit du 6 février au 27 août. Quelle est la part de réalité dans ce passage ? La distinction entre réel et folie est dure à percevoir. Dans un second temps, nous nous demanderons quand le rêve contamine la réalité ? N’y t-il pas une part de réalité dans le rêve ? Ce n’est pas un glissement entreles deux termes mais plutôt un mélange. De ce fait, nous nous interrogerons sur l’aventure spirituelle, mystique.
Il est exact que peu de temps après son internement, Nerval connut une période de répit, explicitée dès le début : « Au bout d ‘un mois j’étais rétabli ». Le séjour à la maison Dubois se prolongea jusqu’au 27 mars (donc pendant 7 semaines) mais dès le mois de février il seremit au travaille. Une lettre à Liszt en témoigne : « cette lettre vous vient d’un pays où je vais lorsque je suis bien portant, ce qui en m’est pas arrivé bien souvent depuis deux années ».Quand aux « feuilles détachées » qu’il mentionnent, quelques une sont conservées : ce sont des lambeaux de papier raturés, qui révèlent une grande difficulté à fixer aussi bien l’expression que l’intrigue. Il «se sentit pris d’une insomnie persistante », signe d’une rechute prochaine. Les troubles allaient réapparaitre. Bref, ces quelques lignes fournissent le témoignage le plus précis et le plus direct sur la genèse d’une œuvre dont l’achèvement coïncide avec l’apparition se nouveaux désordres mentaux. Jusqu’à quel point l’halluciné voit la réalité ?
La véracité de l’épisode du soufflet estattestée dans une lettre à Georges Bell. Selon Miche Brix, la correspondance garde le souvenir d’un épisode semblable mais en 1854. En effet, Nerval lui écrit le 1er juin « A propos, tâchez donc de savoir à qui j’ai donné ce rude soufflet… Faites mes excuses à ce malheureux quidam ». Au bout d’un si long moment, manifester de si grands remords est bien révélateur de cette mauvaise conscience qui, dansles épisodes troubles, s’accentuait jusqu’à l’absurdité. Il ajoute en suite la querelle avec le facteur qu’il empêche d’entrer au cabaret, en s’imaginant, à cet instant, qu’il affronte le duc Jean de Bourgogne : or nous savons que Nerval pour écrire le Prince des Sots, avait lu des chronologiques relatives au règne de Charles 6, et que le chapitre 14 de ce récit a pour cadre les Halles. Ces deuxincidents montrent bien que la folie de Nerval, en 1853 comme 1841, présente des aspects furieux. De plus, cela manifeste l’influence de ses lectures sur ses délires, sur ses rêves et envers la vie, elle même.
La fatigue le gagne et doit aggraver son état. Il va se recueillir à Saint-Eustache en pensant à se mère. Ainsi, pour la seconde fois le héros d’Aurélia évoque cette mèreinconnue. L’absence d’une protection maternelle est sûrement à l’origine de son instabilité sentimentale. En un moment aussi agité de sa vie, il est émouvant et important de noter qu’un élan le porte à prier pour elle, et que son intention le conduit jusqu’à l’autel de la Vierge. Cet tentative, associée à la pensée maternelle, lui fait verser des larmes et paraît efficace. Il y a association de laVierge et de la Mère. Quand l’idée lui vient d’apporter « un bouquet de marguerites » à son père, il songe encore une fois à sa mère (nommait Marguerite). Ce geste apparaît à la fois comme un hommage délicat et comme un nouveau témoignage de l’effort accompli pour se retremper dans ses origines, pour échapper à sa solitude et à son désarroi.
La promenade au Jardin des Plantes fait allusion…