La parole en loge
Nous savons tous que la maçonnerie est la voie spirituelle qui met en son centre ni un discours intellectuel, ni une réflexion philosophique au sens strict, ni un acte de foi, mais le travail qui à chaque occasion est célébré!
La parole est-elle un outil, et sous quelle forme l’est-elle ou non ? – Tel est l’objet de notre travail ce soir.
La parole est la dimension où nous advenons à notreêtre même – que cela nous apparaisse dans la nudité du coeur, dans le déploiement vrai de ce que nous regardons ou dans l’expérience de la beauté où la chose se découvre à nous dans tout son éclat.
Une autre manière de faire apparaître cette différence, entre la parole authentique et la parole habituelle, est de souligner qu’une parole authentique est une parole qui soutient, même de manièreinapparente notre propre mortalité.
Vrai maçon est celui qui est entré dans le cabinet de réflexion et a pu en sortir victorieux. Car, il sort victorieux d’un face à face avec la mort. Une telle victoire consiste à ne plus se dérober au fait que nous sommes mortels!
Ce face à face seul permet d’accéder à notre véritable identité: celle d’un être régénéré.
Or, ce face à face n’est pasdépassé, oublié dans ce moment précédant notre initiation, mais à chaque instant, nous avons à réaliser cette initiation qui, sans cela, reste purement virtuelle.
Une parole qui affronte notre mort est celle où nous sommes dit. Non pas où nos passions sont dites, mais ce que nous sommes, des maçons sur un chantier!
I. Parole authentique, parole inauthentique.
Quelle parole pourrait soutenirl’intensité et la brillance de ces brefs instants où les yeux de deux personnes se rencontrent. Ce moment où se regardant, ils se sentent reconnu pour ce qu’ils sont.
A cet instant, aucune parole ne peut exprimer leurs sentiments…
Le silence est dans son ouverture la plus propre, capable d’abriter des résonances les plus profondes de sens!
Alors, comment la parole pourrait-elle ne pas dévalerd’une telle hauteur?
Et, en effet, le plus souvent elle cache, recouvre ces moments éclatants qui nous arrivent dans la vie.
Lorsque nous écoutons un morceau de musique, comme le concerto opus 77 de Brahms, quelle parole peut s’élever assez pour rendre compte de l’inouï qui se laisse ainsi entendre.
D’autre part, la parole a ceci d’effrayant que la plupart de ce qui est dit, ne l’est quepour distraire du sens de l’expérience humaine. – Souvent aussi elle est prononcée que pour recouvrir un silence inquiétant, qui met mal à l’aise.
On prend des poses. On parle, cachant ce qu’on est, derrière ce qu’on voudrait faire apparaître.
Cela s’entend par un certain ton tout à fait naturel qui marque la plupart de ceux qui prennent la parole en jouant leur rôle.
On pourrait s’yhabituer, mais si nous gardons notre sens critique, nous ne nous y habituerons jamais!
Ce que nous tentons d’expliquer ici, c’est que pour penser la parole, il faut distinguer la parole authentique, la parole vraie, (qui est rare, extrêmement rare), de la parole habituelle.
Celle qui est authentique, peut prendre trois visages, celui de la fidélité au coeur qu’elle fait résonner, celui de larigueur qui lui permet de répondre à ce qui est, avec une justesse qui ne laisse pas indemne, et celui d’une parole qui réussit dans son rythme même à être beauté répondant à la beauté.
Dans tous les cas, une telle parole s’appuie sur le silence dont elle n’est qu’une modalité.
Elle nous expose donc dans ce que nous sommes, tandis que la parole habituelle ne fait que recouvrir la profondeur del’expérience.
Il. La parole en Loge.
Si nous nous tournons maintenant vers la loge et la manière dont la parole s’y déploie, qu’est-ce que nous voyons?
La parole est l’occasion d’un travail constant.
La maçonnerie semble dire: attention chaque fois que nous prenons la parole, il faut tenter d’être à la hauteur qu’elle réclame. Un effort véritable doit être fait pour tenter de…