Aristote l’etonnement metaphysique

Assis devant une copie vierge, l’élève est tenté de se questionner sur l’utilité d’un devoir de philosophie. Stylo dans la main et découragement en tête, il pourrait se demander pourquoi il doit faire cela, pourquoi réfléchir… Pourquoi les hommes philosophent-ils? Quelle est la spécificité de la philosophie? Ces questions ont déjà été posées au quatrième siècle avant notre ère par Aristote,disciple de Platon à l’Académie et membre en quelque sorte de la première génération de philosophes. Dans un extrait de sa Métaphysique, le philosophe traite ainsi de la spécificité de la philosophie, soutenant que “ce fut l’étonnement qui poussa, comme aujourd’hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques”. Nous allons donc étudier la façon dont il évoque les origines de la philosophiepour montrer sa finalité, puis montrer la justesse ainsi que les limites éventuelles de ce raisonnement.

Pourquoi les hommes philosophent-ils? D’après Aristote, c’est “l’étonnement” qui les y pousse, idée sûrement héritée de Platon qui disait dans le Théetète “s’étonner: voilà un sentiment tout à fait d’un philosophe. La philosophie n’a pas d’autre origine”. Cet étonnement est unesorte de choc intellectuel au contact du nouveau, de la “difficulté”, de ce que l’on ne comprend pas. En effet, la question fondamentale de la philosophie est celle du “pourquoi”. Aristote dresse un parallèle entre “les premiers penseurs”, à l’origine de la philosophie (“au début”), et ses contemporains. Mais dans ce “comme aujourd’hui”, on pressent une volonté d’établir une thèse universelle etintemporelle qui concernerait tous les temps. Le philosophe aborde ensuite les causes de cet étonnement en évoquant les “difficultés les plus apparentes”, celles qui étonnent le plus. En effet, Aristote dit de celles-ci qu’elles “frappèrent” les penseurs, en écho au mot-clef puisque “étonnement” signifie étymologiquement “frappé par la foudre”. Ce qui conduit à la philosophie est donc un réel choc, unbouleversement… Pour les premiers penseurs, celui-ci vient au contact de ce qui les entoure: les “phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et les Etoiles, enfin la genèse de l’Univers”. Les premières réponses sont apportées par les mythes “composé[s] de merveilleux”, mais aussi par la religion dont ils sont le langage. Pour Aristote, “aimer les mythes est en quelque manière se montrer philosophe”puisque les mythes sont issus de cette même volonté collective de trouver une réponse, une explication, lorsqu’on est étonnés. Et la recherche de cette explication, c’est la “spéculation philosophique”, une activité théorique intellectuelle. Aristote développe le cheminement intellectuel de l’homme vers la philosophie par l’expression “apercevoir une difficulté et s’étonner, c’est reconnaître sapropre ignorance”, idée au coeur de sa thèse. Ainsi ce cheminement s’avère être le suivant: un homme est confronté à une difficulté, ce qui le conduit à l’étonnement. Il prend alors conscience de sa propre ignorance, et la volonté naît en lui d’y remédier, de trouver une explication: il se lance alors à la recherche de la sagesse… Et l’on retrouve ici l’étymologie du mot philosophe, que cet hommeest devenu: le philosophe est celui qui veut savoir, qui aime savoir, en suivant le cheminement de la spéculation pour arriver à la philosophie

Quelle est la spécificité de la philosophie? Dans la deuxième partie du texte, Aristote développe sa thèse, l’élargissant au fur et à mesure de son avancée chronologique. Il rappelle donc que “ce fut pour échapper à l’ignorance que les premiersphilosophes se livrèrent à la philosophe”, mais annonce la raison pour laquelle ils “poursuivaient la science”. Avant d’entre au coeur de cette raison, on peut s’arrêter sur l’emploi du mot “science” qui désigne la philosophie. En effet, celle-ci est une activité rationnelle, employant le logoV pour rechercher la connaissance: cette définition correspond bien à une science. Car à l’origine,…