Article
Moncef KHEMIRI
Université de Tunis
L’histoire de la Tunisie moderne au miroir de son théâtre :
Le cas de Khamsoun
La violence politique sous le signe de laquelle a commencé le nouveau millénaire, à savoir l’attentat du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center à New York, le déclenchement de la seconde guerre du Golfe, la seconde Intifadha en Palestineet l’implantation puis l’extension de mouvements intégristes dans le monde arabe et en Afrique du Nord, dans le sillage de la nébuleuse Al- Quaïda, tous ces bouleversements ont provoqué en Tunisie un débat sur l’islam politique[1] et sur le danger qu’il peut représenter pour la société tunisienne qui a été édifiée sur des valeurs libérales et laïques.
C’est dans ce cadreidéologique que nous assistons ces dernières années à un retour à un théâtre politique que l’on croyait tombé en désuétude après la chute du mur de Berlin et la fin des l’idéologie marxiste.
Rappelons que la Tunisie représente depuis son indépendance en 1956, le seul Etat arabe moderne dont la législation s’inspire davantage du droit positif que de la Charia. La promulgation ducode du statut personnel le 13 août 1956, cinq mois après l’indépendance du pays, qui vise l’instauration de l’égalité entre l’homme et la femme, interdit polygamie, affirme le droit de la femme à l’éducation, à la santé et donne à la femme le droit de choisir son époux et d’entamer une procédure de divorce.
Mais ces acquis socio- culturels qui font la spécificité de la Tunisiesont menacés aujourd’hui par un courant islamiste qui travaille en profondeur la société tunisienne. En effet, malgré l’interdiction qui frappe encore les partis politiques qui se réclament explicitement de l’islam et malgré l’interdiction de porter le voile islamique à l’université et dans les administrations publiques, en vertu de la circulaire n° 108, on constate que le nombre desjeunes filles et des femmes qui portent le hijab et le revendiquent comme tel, va croissant[2].
Cette inquiétude[3] devant l’avenir politique a amené beaucoup d’intellectuels tunisiens et en particulier des artistes comme Jalila Baccar[4] que cette question du hijab concernait de près en tant que femme, à s’interroger sur les causes profondes de ce mal qui commence à rongerles valeurs de modernité et de tolérance sur lesquelles a été édifiée cette société. La pièce KHAMSOUN de Jalila Baccar s’inscrit dans le cadre de ce débat sur la relation de la société civile avec l’islam politique d’une part et sur la responsabilité du gouvernement dans la montée de l’islamisme et l’affaiblissement de la gauche progressiste, d’autre part.
Cette piècequi a été censurée en Tunisie où la commission chargée d’accorder les visa lui a reproché principalement de mentionner des faits et des personnalités politiques sans aucune transposition littéraire, de citer sur la scène des versets coraniques, de présenter la police politique sous une image négative, et les islamistes comme les victimes de l’appareil répressif du gouvernement, a étécréée 2006 et représentée pour la première fois à l’Odéon, à Paris, le 7 juin 2006 avec un sur-titrage en français. Mais devant le succès remporté par la pièce en France, et grâce au soutien que Jalila Baccar et Fadhel Jaibi ont trouvé auprès des représentants de la société civile en Tunisie et à l’étranger, a finalement reçu le visa de la commission. Elle a alors été autoriséepour la première fois à être représentée au théâtre municipal de Tunis, le 7 février 2007, et a reçu à cette occasion un accueil très favorable. Elle a été également représentée à Washington au John F. Kennedy Memorial Center (or Kennedy Center), à l’occasion du festival Arabesques qui a présenté les Arts du monde arabe qui s’est tenu du 23 février au 15 mars 2009. Une…