Bérénice, une pièce typiquement tragique
Bérénice de Racine
Une pièce typiquement tragique
Le titre lui-même, «Bérénice», est typiquement un titre de tragédie. En effet comme l’a remarqué Bergson dans le rire, les tragédies ont souvent pour titre un nom propre (on peut citer Antigone, Phèdre, Othello…) parce que les caractères qui sont incarnés par les personnages sont entièrement absorbés et éclipsés par eux – alors qu’aucontraire dans la comédie, qui a souvent pour titre un nom commun (l’Avare, le Bourgeois gentilhomme, les précieuses ridicules…), ce sont les vices eux-mêmes qui constituent pour ainsi dire le personnage central.
Bérénice est d’inspiration historique comme le précise Racine dans sa préface. Il s’inspire d’un épisode de l’Enéide, épisode idéalement adapté à l’écriture d’une tragédie par la violencedes passions qu’il suggère mais aussi par la simplicité de l’action. Cette simplicité est en effet primordiale pour Racine. Elle rappelle la tragédie antique.Il cite ainsi Horace «que ce que vous ferez soit toujours simple et ne soit qu’un». Il fait de nombreuses références à la tragédie antique dans sa préface ; il montre ainsi son désir de se référer à la source même de la tragédie, davantagequ’aux tragédies du XVIIe. L’essence de la tragédie réside dans la violence des passions, la beauté des sentiments. Il exploite ainsi de fond en comble un évènement simple en le chargeant fortement d’émotions. La simplicité renforce la puissance tragique. C’est ce qui a fait dire des pièces de Racine qu’elles n’étaient qu’ «un dénouement» : l’action est pauvre en péripéties et toujours orientée versla fin. Cette démarche s’oppose à celle des tragédiens de son siècle qui ont tendance à complexifier les intrigues, ce qui donne la trompeuse apparence de l’invention mais ne révèle qu’un manque de talent.
Cette exigence de simplicité est liée au principe de vraisemblance. Rappelons en effet que l’action ne doit avoir lieu qu’en un jour et en un lieu. Dans un espace et un temps si restreint, unfoisonnement d’actions serait invraisemblable. Racine respecte donc les trois unités, de temps, de lieu et d’action, et le principe de vraisemblance qui forment un système de contraintes cohérent.
Il reste à y ajouter le principe de bienséance. La simplicité exigée dans l’action est aussi exigée dans la langue : elle doit toujours rester décente. Selon ce même principe de bienséance, les scènesviolentes doivent toujours se dérouler hors scène. Le talent du tragédien est donc de faire ressentir la violence des passions par d’autres biais que la grossièreté ou le sang.
Les personnages sont comme il convient en tragédie des personnages de très haut rang : Titus est empereur de Rome ; Bérénice, reine de Palestine ; Antiochus, roi de Comagène.
– résumé de la pièce
Antiochus aimeBérénice secrètement et désespérément depuis cinq ans. La rumeur court que l’empereur Titus va épouser Bérénice. Antiochus, très malheureux, décide de quitter Rome et fait ses adieux à Bérénice.
Mais le mariage est contrarié par la loi romaine qui interdit les mariages entre Romains et étrangers. Titus décide donc de renoncer à Bérénice malgré son amour passionné pour elle. Il prie Antiochus d’annoncerà Bérénice qu’il leur faut se séparer, ce qu’il n’a pas le courage de faire lui-même. Antiochus hésite mais finira par le dire à Bérénice. Elle ne le croit pas et réclame un entretien avec Titus (scène V, acte 4) au cours duquel elle déverse sa colère et son désespoir. Elle accuse Titus de l’avoir cruellement laissée croire à un bonheur qu’il savait impossible. Puis elle essaie de le convaincre queson intérêt d’individu n’est pas moins important que la loi romaine. Titus est déchiré mais évoque le serment qu’il a fait à Rome ; il prend pour exemple d’anciens dirigeants romains et veut prétendre lui aussi à faire figure d’exemple de vertu pour la postérité. Bérénice loin de compatir l’accuse d’ingratitude et le quitte en lui disant qu’elle va se suicider et qu’il aura sa mort sur la…