Bonheur

1. Introduction
Au cours des deux dernières décennies, un nombre croissant d’experts ont mené des recherches sur les relations entre économie et bonheur, avec des résultats parfois surprenants. Compte tenu de la complexité du sujet il aurait d’ailleurs été étonnant que la multitude d’études arrivent à des résultats homogènes et convergents. Les conclusions actuelles plaident plutôt en directiond’une relation ambivalente, mais réciproque :
L’économie est un déterminant du bonheur
et
le bonheur est un déterminant de l’évolution économique.
Une des questions qui reste ouverte est celle du degré de détermination – dans un sens comme dans l’autre. Une autre question vise à élucider les conditions dans lesquelles la détermination se manifeste. Mais avant d’aborder ces aspects, il mesemble utile de fournir des précisions sur quelques autres questions : Qu’est-ce que c’est que le bonheur ? Peut-on mesurer le bonheur ? Quelle est notre conception, notre perception de l’économie ?
Avant de répondre à ces questions, il semble important de formuler quelques remarques au sujet de la problématique de la perception. En effet, lors de cette présentation il sera fréquemment question desperceptions :
• perception de chacun des domaines analysés – à savoir ceux mentionnés dans le titre « économie » et « bonheur »;
• perception par les économistes de la réalité et surtout de l’homme. Celle-ci n’a pas toujours été identique; à une époque donnée elle n’est pas la même partout dans le monde;
• perception du bonheur qui elle-même est fonction de la perception de la vie, des objectifs etdes finalités.
Il faut bien prendre conscience que nos perceptions plus fondamentales ont une influence sur notre manière de voir la réalité et sur notre manière de vivre. De ce fait, une certaine vigilance d’analyse s’impose; par ailleurs, l’existence même d’une diversité de perceptions nous invite à une certaine relativité, et à beaucoup de nuances et de modestie.
Les problèmes etconséquences de perception peuvent être illustrés par l’anecdote suivante : Un professeur américain George Wur a posé deux questions à ses étudiants : Avez-vous un téléphone mobile ? Quel est le pourcentage de détenteurs de téléphones mobiles dans la classe ? Ceux qui étaient propriétaire d’un téléphone mobile pensaient que 65 % des étudiants en avaient un. Les non propriétaires estimaient ce pourcentage à 40%. La vérité se situait à peu près au milieu.
2. Economie
Commençons l’examen des perceptions par le domaine de l’économie. Le « Petit Robert » fournit deux définitions de l’économie arrêtées à deux époques différentes :
(1773) : science qui a pour objet la connaissance des phénomènes concernant la production, la distribution et la consommation des richesses, des biens matériels dans la société.Il s’agit donc d’une perception relativement ouverte et dynamique (on parle de phénomènes).
(début du XXe s) : ensemble des faits relatifs à la production, la distribution et la consommation des richesses dans une collectivité humaine. C’est une conception plus statique, étant donné que l’on parle surtout des faits.
Une autre approche pour situer des perceptions possibles de l’économie est deremonter aux origines des théories. En fait, l’économie est issue de deux origines différentes : la conception mécaniste et la conception éthique.
Prenons d’abord la conception mécaniste, qui a été dominante au cours du XXe siècle.
La caractéristique de cette conception est qu’elle s’intéresse avant tout aux questions de logistique plutôt qu’aux fins ultimes ou à la recherche du « bien de l’homme »ou encore à la question de savoir « comment l’on doit vivre ». Les finalités sont fixées, acceptées d’une manière assez simple et l’objet du travail est de trouver des moyens appropriés pour atteindre ces fins. (Sen, 1993, p8 ff).
Parmi les auteurs de cette conception de l’économie moderne de fondement néo-classique, l’on peut citer, entre autres, l’ingénieur Léon Walras et Sir William Pretty….