Candide excipit
Commentaire
En retournant dans sa métairie à la fin du récit, Candide retrouve à Constantinople tous les acteurs du conte auquel s’est adjoint frère Giroflé. Au début du chapitre 30, la situation est encore loin d’être idéale dans la métairie, Cacambo s’épuise au travail et le reste du groupe se repend en récriminations en veines disputes ou s’ennuie mortellement. Deux visites vont permettre àCandide de sortir de l’impasse : celle du Dervich qui leur montre la vérité des démonstrations métaphysiques et celle du bon vieillard qui démontre que le bonheur est à leur portée grâce au travail. Après cette leçon, Candide prend définitivement en main le sort de la communauté sans se laisser influencer ni par Martin ni par Pangloss et en imposant la primauté de l’action sur le discours.
Nousverrons tout d’abord comment Pangloss se ridiculise lui-même par son refus d’évoluer puis nous analyserons les retombées positives de l’action de Candide avant de nous interroger sur la portée morale du conte.
I La satire de l’intellectuel borné
Malgré toutes les leçons que lui a infligé le contact avec la réalité, Pangloss ne veut pas démordre de sa théorie sur le bien fondé de l’optimismeleibnizien ou prétendu tel. Voltaire s’en donne à coeur joie et le ridiculise sans ménagements. Dans sa première intervention, alors que Candide vient de faire une remarque de bon sens, il profite de la présence du mot Roi dans la réplique de son interlocuteur pour étaler son érudition sans que le sujet ne le justifie. Voltaire souligne ironiquement ce défaut par l’accumulation des noms de rois etsurtout des noms de rois d’Israël aux sonorités inhabituelles pour le lecteur français. Il n’est par ailleurs pas nécessaire de s’étendre longuement pour démontrer la valeur d’une recommandation aussi simple. De même, lorsque Candide s’efforce de la ramener dans le vif du sujet, Pangloss saisit à nouveau l’opportunité d’un thème biblique (le jardin) pour introduire une citation latine et en tirer unedéduction plus ou moins discutable ce qui prouve que l’homme n’est pas pour le repos.
Enfin, Voltaire nous le présente comme définitivement incorrigible lorsqu’il renie à sa manière tous les évènements vécus depuis son départ du château. Selon lui, tous les malheurs endurcis par Candide ont eu l’heureux effet de l’amener à manger des pistaches et des cédrats confits à Constantinople. Ce bonheursemble payé bien cher. En réalité, il n’a pas évolué depuis le premier chapitre où il confondait les effets et les causes et où Voltaire nous le présentait comme un maître en nigologie.
II Candide, à l’opposé de cette attitude parle peu mais agit
Ses interventions sont courtes mais fermes, il ne se laisse plus influencer, c’est lui qui aura le dernier mot. Face à Martin dont Voltaire malgréla sympathie qu’il lui voue n’approuve pas la position. Au début du chapitre, il qualifie ces principes de détestables. Dans ce passage, la suite montre qu’il prend en compte le début de la remarque de Martin, il ne songe pas à mettre la suite en application car Candide n’organise pas le travail sans raisonner. Quant à Pangloss, il le contre patiemment avec une modération d’expressions qui faithonneur à sa maturité.
Il passe à l’action mais tout en raisonnant car il est à l’origine de l’organisation qui va assurer l’aisance et l ‘épanouissement moral de tous les membres de la société. En effet, chacun a trouvé sa place et se fait apprécier en fonction des talents qu’il met au service de tous. Voltaire s’amuse à distribuer les rôles, Cunégonde bien clair dès le début du conte est affectéeà la cuisine et devient une excellente patissière. La femme aux moeurs légères se stabilise dans la broderie mais l’exploit de Candide, c’est de transformer un moine débauché en travailleur et honnête homme. Quelle leçon pour les aristocrates qui considéraient le travail comme un déchéance ou pour certains religieux qui l’assimilaient à un divertissement. Ennui, vice et besoin paraissent…