Candide ou l’optimisme
Candide, chapitre I (lignes 1-51)
Voltaire emprunte son incipit à la tradition des contes merveilleux ;
ainsi, les premiers mots du texte reprennent la formule consacrée, le
« Il y avait… »étant un écho évident des « Il était une fois… ». L’imparfait,
qui est le temps dominant du passage, renvoie au temps indéfini
des contes et légendes ; le décor de l’extrait semble lui aussi emprunté
auconte : on retrouve un château, un baron puissant et une « princesse
» désirable. Quant au héros du conte, il ne déroge pas à la règle
c’est un roturier aux origines obscures, que le lecteursoupçonne d’être
un prince en puissance (voir l. 6-11). Mais ces emprunts au conte sont
tous faits sur le mode parodique 1 : le château dénote la puissance et la
richesse, parce qu’il a « une porte etdes fenêtres » (l. 13) ; Cunégonde
n’est pas belle, mais « haute en couleur, fraîche, grasse, appétissante ».
Pangloss est prétendument « le plus grand philosophe de la province »,
mais la disciplinequ’il enseigne (voir l. 27-28) tendrait à prouver
le contraire ; de fait, ses raisonnements (l. 32-43) s’illustrent par leur
absurdité, et par l’inversion comique des causes et des effets. Ils’agit
donc bien ici d’une parodie de conte, qui s’achève à la ligne 52 : la locution
temporelle « un jour », ainsi que l’usage du passé simple dans le
paragraphe suivant, montrent que l’on est sortidu temps du mythe, pour
entrer dans celui de l’histoire.
L’élément de réalité le plus frappant intervient dès la première ligne :
à la formule traditionnelle du conte répond une localisationgéographique
tout à fait réelle (« Il y avait en Vestphalie »), d’autant plus que
la « Vestphalie » renvoie à Minden, la ville mentionnée dans le troisième
niveau de titre, qui elle-même renvoie à unebataille sanglante…
On est bien loin, alors, de l’univers des contes. L’attitude du baron, évoquée
par le deuxième paragraphe, relève elle aussi de la réalité plus
que du conte : le soin qu’il…