Chatterton de vigny

Le drame Chatterton, de Vigny, met en scène un jeune poète désespéré de ne pas trouver sa place dans la société industrielle de l’Angleterre au XVIIIe siècle. Accusé de plagiat et se sentant déshonoré, il se suicide. La scène de dénouement se déroule juste après sa mort, découverte par deux personnages, sa logeuse, Kitty Bell, dont il était amoureux, et un vieux quaker qui incarne la sagesse etla raison.

LE QUAKER, accourant. – Vous êtes perdue… Que faites-vous ici?

KITTY BELL, renversée sur les marches de l’escalier.- Montez vite! Montez, monsieur, il va mourir; sauvez-le… s’il est temps. (Tandis que le quaker s’achemine vers l’escalier, Kitty Bell cherche à voir, à travers les portes vitrées, s’il n’y a personne qui puisse donner du secours: puis, ne voyant rien, elle suit lequaker avec terreur, en écoutant le bruit de la chambre de Chatterton.)

LE QUAKER, en montant à grands pas, à Kitty Bell.- Reste, reste, mon enfant, ne me suis pas. (Il entre chez Chatterton et s’enferme avec lui. On devine des soupirs de Chatterton et des paroles d’encouragement du quaker. Kitty Bell monte, à demi-évanouie, en s’accrochant à la rampe à chaque marche: elle fait un effort pourtirer à elle la porte, qui résiste et s’ouvre enfin. On voit Chatterton mourant et tombé sur le bras du quaker. Elle crie, glisse à demi-morte sur la rampe de l’escalier, et tombe sur la dernière marche. – On entend John Bell appeler de la salle voisine.)

JOHN BELL. -Mistress Bell! (Kitty se lève tout à coup comme par ressort.)

JOHN BELL, une seconde fois.- Mistress Bell! (Elle se met en marcheet vient s’asseoir, lisant sa Bible et balbutiant tout bas des paroles qu’on n’entend pas. Ses enfants accourent et s’attachent à sa robe.)

LE QUAKER, du haut de l’escalier. – L’a-t-elle vu mourir? L’a-t-elle vu? (Il va près d’elle.) Ma fille! ma fille!

JOHN BELL, entrant violemment, et montant deux marches de l’escalier.- Que fait-elle ici? Où est ce jeune homme? Ma volonté est qu’onl’emmène!

LE QUAKER. – Dites qu’on l’emporte, il est mort.

JOHN BELL.- Mort?

LE QUAKER.- Oui, mort à dix-huit ans! Vous l’avez tous si bien reçu, étonnez-vous qu’il soit parti!

JOHN BELL.- Mais …

LE QUAKER.- Arrêtez, monsieur, c’est assez d’effroi pour une femme. (Il regarde Kitty et la voit mourante.) Monsieur, emmenez ses enfants! Vite, qu’ils ne la voient pas. (Il arrche les enfants despieds de Kitty, les passe à John Bell, et prend leur mère dans ses bras. John Bell les prend à part, et reste stupéfait. Kitty Bell meurt dans les bras du quaker.)

JOHN BELL, avec épouvante.- Eh bien! Eh bien! Kitty! Kitty! Qu’avez-vous? (Il s’arrête en voyant le quaker s’agenouiller.)

LE QUAKER, à genoux.- Oh! Dans ton sein! Dans ton sein, Seigneur, reçois ces deux martyrs. ( Le quakerreste à genoux, les yeux tournés vers le ciel, jusqu’à ce que le rideau soit baissé.)

FIN

Alfred de Vigny, Chatterton, acte III, scène 9 (intégrale) (1835).

Le drame Cromwell, de Victor Hugo, est surtout connu pour sa préface, qui constitue un véritable manifeste du théâtre nouveau.

Quoi de plus invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule, ce péristyle(, cetteantichambre, lieu banal où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les conspirateurs pour déclamer contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les conspirateurs, chacun à leur tour, comme s’ils s’étaient dit bucoliquement:
Alternis cantemus: amant alterna Camenae(.
Où a-t-on vu vestibule ou péristyle de cette sorte? Quoi de plus contraire, nous nedirons pas à la vérité, les scolastiques en font bon marché, mais à la vraisemblance? Il résulte de là que tout ce qui est trop caractéristique, trop intime, trop local, pour se passer dans l’antichambre ou dans le carrefour, c’est-à-dire tout le drame, se passe dans la coulisse. Nous ne voyons en quelque sorte sur le théâtre que les coudes de l’action; ses mains sont ailleurs. Au lieu de…