Crise
Document 1 – Les causes de la crise de 1929
Si l’on prend du recul par rapport aux événements boursiers – ce que la chronologie invite à faire puisque la production industrielle déclinait aux États-Unis depuis l’été 1929 – on est conduit à souligner l’instabilité globale de l’entre-deux guerres. Aucune mesure ne permet de vérifier directement cette assertion. Toutefois, la plupart des donnéessur les rythmes conjoncturels mondiaux depuis le XIXe siècle montrent des écarts nettement plus forts de 1918 à 1939 que durant les autres intervalles. […]
Cette instabilité et cette désunion se sont développées à l’issue du premier conflit mondial. Deux modalités essentielles imposent un bref examen : un système monétaire et financier international fragile ; des tensions et des encombrementssur de nombreux marchés.
Le problème monétaire se posait ainsi en 1918 : après des années de cours forcés, de contrôle des capitaux et de pénuries inflationnistes, comment revenir à la liberté des échanges ? Le mécanisme international qui prévalait avant 1914 était celui de l’étalon-or. Il reliait entre elles les différentes monnaies par l’intermédiaire de leur poids en or fixement défini : lesmonnaies étaient donc convertibles en or, et le métal qui circulait dans le public, était librement importable et exportable. La Conférence internationale de Gênes en 1922 a consacré un système différent, l’étalon de change-or (Gold Exchange Standard), établi par tâtonnements après 1918. Les nécessités de la reconstruction et de la relance des échanges ont conduit à conserver la référence à l’or,mais, compte tenu de sa rareté et de sa distribution inégale, à faire une référence au second degré : la monnaie de chaque pays n’est plus directement liée à l’or, mais à une monnaie fondamentale, définie et convertible en or. Les créances sur les pays à monnaie « centrale » comme on disait, les devises, remplacent donc l’or dans la plupart des pays.
Il y eut deux monnaies centrales, la livresterling et le dollar, qui ont donc élargi la base des échanges internationaux. L’or, lui-même n’a plus à circuler dans le public, il joue un rôle de réserve nationale tout comme les devises. On voit la vulnérabilité d’un tel système bipolaire, qui consacre l’affaiblissement britannique et la montée encore hésitante des États-Unis : la régulation internationale dépend du contrôle et de lacoordination des deux centres, et de la confiance que leur accordent les autres pays.
Mais le système a fait ses débuts dans une grande confusion : les vicissitudes des inflations d’après-guerre (et des hyperinflations pour l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie et la Pologne de 1922 à 1926) ont mené à des redéfinitions des monnaies européennes par rapport à l’or, ou les unes par rapport aux autres,tout à fait hétérogènes et selon un calendrier disparate.
Ce patchwork monétaire s’est doublé dans les années 20 de tensions financières importantes qui n’ont trouvé de solutions que provisoires et à très court terme. En effet, la liquidation de la guerre a impliqué deux séries de remboursements extrêmement lourds, selon des modalités complexes : d’une part le règlement des dettes de guerre, etd’autre part la question délicate des réparations que devait payer l’Allemagne pour avoir perdu le conflit. Ils sont solidaires : d’abord parce qu’une chaîne ne peut manquer de s’établir, les paiements allemands servant à régler ou compenser les dettes interalliées, et ensuite parce que d’autres prêts s’imposent pour financer les prêts allemands : ils proviendront logiquement des États-Unis,promus « prêteurs en dernier ressort » du monde européen. D’où simultanément, durant les années 20, l’étalement progressif des remboursements allemands (le plan Dawes de 1924, le plan Young de 1929) et une série d’accords internationaux qui réduisent souvent de moitié les dettes interalliées.
La Conférence de Lausanne en 1932 devait annuler réparations et dettes de guerre au plus fort de la crise….