Democratie et totalitarisme
En 1929, Lucien Febvre et Marc Bloch fondent une revue dont la postérité sera sans précédent en France au XXe siècle : les Annales d’histoire économique et sociale. Cette revue, tout comme l’École,essaie d’écrire une histoire complète, une histoire « totale », en ne se limitant plus aux seuls aspects politiques, militaires ou diplomatiques. On en retrouve les expressions les plus vives dans lelivre phare de Lucien Febvre, Combats pour l’histoire, qui veut secouer l’apathie et la paresse intellectuelle des historiens en s’opposant à l’histoire « traditionnelle », celle de Seignobos et deLavisse. Dans la revue tout comme dans les Combats, le « social » est hissé comme bannière, afin de couvrir tout un champ encore inconnu, celui des profondeurs de l’histoire, de ses souterrains, que cesoit au niveau économique et social ou au niveau des balbutiantes mentalités.
La naissance de l’École des Annales s’inscrit dans le contexte de l’entre-deux-guerres (1918-1939), où l’Occident est enproie à une grave crise de l’historicité, le sentiment du Progrès et de la continuité ayant perdu leur évidence, et la Première Guerre mondiale ayant secoué les certitudes d’une Europe triomphante. Lerôle de l’historien ne peut plus, dès lors, se réduire à l’accumulation laborieuse de petites histoires désincarnées. L’historien doit, selon l’un des fondateurs Lucien Febvre, plonger dans sonprésent afin d’écrire une histoire vivante, qui palpite avec son époque et qui est engagée dans ses enjeux :
L’histoire doit devenir une « histoire-problème », qui questionne le passé et remet constammenten question ses propres postulats et méthodes, afin de ne pas être en reste sur les autres sciences et sur l’histoire du monde. Cette obligation implique de sortir l’histoire de son « immobilismeacadémique » en diversifiant et surtout en croisant ses sources, au-delà des seules références écrites traditionnelles. Il s’agit de s’ouvrir aux autres sciences humaines, de les combiner entre elles…