Descartes mesland

Explication d’un texte de Descartes

«Peut-être d’autres entendent-ils par indifférence la faculté positive de se déterminer pour l’un ou l’autre de deux contraires, c’est-à-dire de poursuivre ou de fuir, d’affirmer ou de nier. Cette faculté positive, je n’ai pas nié qu’elle fût dans la volonté. Bien plus, j’estime qu’elle s’y trouve, non seulement dans ces actes où elle n’est poussée paraucune raison évidente d’un côté plutôt que de l’autre, mais aussi dans tous les autres; à tel point que, lorsqu’une raison très évidente nous porte d’un côté, bien que, moralement parlant, nous ne puissions guère choisir le parti contraire, absolument parlant, néanmoins, nous le pouvons. Car il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d’admettre une véritéévidente, pourvu que nous pensions que c’est un bien d’affirmer par là notre libre arbitre.» Descartes, Lettre à Mesland du 9 février 1645.

Thèse: Descartes soutient une thèse radicale: la liberté doit être absolue; elle ne doit pas seulement se manifester dans des situations d’indifférence mais aussi à l’égard de toute détermination sensible ou intellectuelle. Tout déterminisme, physique,théologique (la toute puissance divine) ou psychologique tend à détruire toute liberté authentique. Mais le problème est qu’une telle conception positive de l’indifférence semble difficilement compatible avec l’idée selon laquelle l’indifférence est le plus bas degré de la liberté.

Plan du texte:

a) L’indifférence comme faculté positive.

b) Elle se manifeste dans tous les cas, y comprisdevant l’évidence.

c)Conséquence (a tel point que…): absolument parlant, nous sommes libres de dire non au vrai et au bien et de prendre le parti contraire.

d) Condition restrictive: à condition d’avoir conscience de bien agir en refusant l’évidence, nous témoignons de notre liberté.

Etude ordonnée:

a) « peut-être d’autres… »: C’est le point de vue du jésuite Denis Pétau, auteur d’untraité du libre arbitre (1643) que Mesland expose à Descartes en lui demandant son avis. Les jésuites suivent la doctrine du jésuite Luis de Molina (1535-1600) : De l’accord de du libre arbitre avec la grâce… (1588) pour qui la liberté réside dans un choix indifférent. Mais cette indifférence est ici conçue comme « la faculté positive de se déterminer pour l’un ou pour l’autre de deux contraires». Pour les molinistes l’indifférence ne consiste pas dans l’incapacité de prendre une décision, c’est-à-dire de se déterminer pour un parti ou son contraire. On peut distinguer deux types d’indifférence: une indifférence-négative et une indifférence-positive. L’indifférence-négative est « l’état où est la volonté lorsque nulle perception du vrai ou du bien ne l’engage à suivre un parti plutôtqu’un autre ». Par ignorance nous n’avons aucune raison de choisir un parti plutôt que l’autre. Cette indifférence qui conduit à l’irrésolution est proportionnelle à notre ignorance. « Si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai et ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement et quel choix je devrais faire; et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais êtreindifférent »(4e méditation). L’indifférence négative qui résulte de l’ignorance est donc bien le plus bas degré de la liberté. C’est la finitude de l’entendement (alors que la volonté est infinie) qui explique cette indifférence: l’entendement ignore les raisons qui pourraient déterminer la volonté. L’indifférence dont parle Descartes dans les Méditations est purement négative et privative.
Mais onpeut distinguer de l’indifférence négative qui vient du manque de clarté, un pouvoir positif de choix, que l’on peut nommer aussi indifférence, et qui consiste en la faculté que nous avons de nous déterminer à l’un ou à l’autre de deux contraires. C’est le pouvoir absolu de choisir un parti ou un autre.

b) « non seulement dans ces actes…mais aussi dans tous les autres. Ainsi dans…