Devoir

Devoir de synthèse n° 2
Stentor, à la voix puissante, fait naufrage et se retrouve dans un pays inconnu. Dès qu’il parle, les gens s’évanouissent de douleur…

Le tonnerre de sa voix se répercuta le long des rues vides et fit trembler les édifices sur leurs bases. Une corniche se détacha d’un temple voisin et s’écroula silencieusement. Stentor s’attarda à considérer les dégâts. Il ne vit passortir d’une rue adjacente un groupe d’hommes armés qui avançaient comme des ombres et sans le moindre bruit. Sur un signal silencieux ils s’élancèrent tous ensemble vers lui et eurent tôt fait de le maîtriser. Leur premier soin fut de lui fixer sur la bouche un solide bandeau qui l’empêchait d’émettre le moindre son. Stentor se défendit comme un beau diable, mais que faire contre le nombre ? Ilne pouvait même pas crier. Le bandeau, l’étouffant à moitié, retenait sa voix au fond de sa gorge. On le mena vers une porte de prison où on le jeta dans un cachot sous terre. La porte du cachot s’ouvrit sans le moindre grincement sur ses gonds bien huilés. Un vieil homme barbu parut sur le seuil. Il considéra longuement le prisonnier. D’une voix à peine audible*, il murmura*: – Je vois à toncostume que tu viens d’Argos. J’y suis allé autrefois et je parle ta langue. Mon nom est Olibrius. Si tu me promets de parler doucement, très doucement, je déferai ton bâillon et nous pourrons causer*. – Où suis-je ? – Moins fort, s’il te plaît. Nous avons l’oreille fine et nous entendons le moindre chuchotement. Tu es ici en Cathiminie. – En catimini* ? – La Cathiminie est le nom de ce pays où règnele roi Motus. C’est un pays prospère et riche, mais, comme tu as pu t’en rendre compte, le bruit en est banni*. Le silence est la loi. – Mais comment peut-on vivre sans faire du bruit? – On y arrive très bien. Il y a très longtemps la Cathiminie avait atteint un tel degré de puissance et d’activité qu’on n’y entendait plus nuit et jour dans les rues que le roulement des chariots, le martèlement desforgerons, les cris des marchands, les fanfares des trompettes de l’armée qui s’exerçait et l’incessante rumeur de la foule. Les habitants ne connaissaient plus de repos. Ils devenaient nerveux, irritables, moroses, grincheux. La ville était secouée de constantes querelles. C’est alors qu’un roi sage édicta la loi du silence. Les hommes furent les premiers à s’y soumettre, puis on y habitua lesanimaux, les objets, les éléments* même. – Pourtant, catimini ou pas, il faut bien parler. – Dans la mesure du possible on parle par signes, mais quand il devient indispensable d’user de la parole, on le fait à voix basse, très basse, comme nous parlons maintenant. – Je ne pourrai jamais m’y habituer. – Il faudra bien pourtant, sans quoi tu risques de rester longtemps dans ce cachot. Je suis chargéde te donner des leçons puisque je parle ta langue. Tu verras, c’est une question de volonté. Nous allons commencer tout de suite. Et Stentor prit sa première leçon de silence. Il y en eut beaucoup d’autres. Ce n’est qu’au bout de plusieurs semaines qu’on l’autorisa à sortir de sa prison. Ses sandales de cuir avaient été remplacées par des chaussons de feutre et il avait appris à marcher commetout le monde sur la pointe des pieds. – Souviens-toi, lui rappela Olibrius, les gens d’ici ne supportent pas le moindre bruit. Ils en souffrent atrocement au point de s’évanouir et parfois même d’en mourir. Un jour on l’admit* à se promener dans les rues. Plus personne ne fuyait devant lui. Les gens l’accueillaient avec des sourires avenants*, mais silencieux. Quelquefois une furieuse envie* deparler lui montait à la gorge, mais il se répétait à lui-même « Catimini, je suis en catimini», comme un mot magique et sa bouche restait close. Il avait souvent avec Olibrius de longues conversations chuchotées et il en apprenait toujours davantage sur les moeurs du pays. Il parlait maintenant couramment la langue cathiminienne, ce qui était facile, car elle contenait peu de mots. Peu à peu, il…