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La Conférence nationale souveraine, un pouvoir constituant original Magalie BESSE Allocataire-monitrice, Faculté de Droit de Clermont-Ferrand

Dans le cadre des processus transitionnels, la phase de mutation constitutionnelle se révèle décisive pour la réussite de la démocratisation ainsi que pour l’enrichissement de la théorie du droit constitutionnel elle-même. Les transitions africaines desannées 1990 n’échappent pas à cette règle. Les Conférences nationales La quasi-totalité des Etats d’Afrique subsaharienne francophone a connu un processus de transition dans les années 1990. Cette vague de démocratisation résulte d’une conjonction de facteurs tant externes qu’internes1. Un mécanisme innovant et spécifique fut utilisé par certains de ces pays : la Conférence nationale. Elle futpour la première fois organisée au Bénin. Son origine témoigne de son caractère paradoxal. C’est en effet le Président Mathieu Kérékou, responsable de la dictature marxiste-léniniste en place au Bénin depuis 1972, qui inventa le terme et la formule institutionnelle2. Pour ce faire, il s’est inspiré de l’idée qu’il avait déjà eue en 1979 en organisant à l’improviste une Conférence des Cadres de dixjours durant laquelle chacun avait pu librement débattre. La Conférence nationale n’était en revanche pas souveraine dans le projet originel. Elle est un succès et devient l’une des principales revendications dans les Etats d’Afrique subsaharienne francophone. L’expérience sera reprise au Gabon, au Congo, au Niger, au Mali, au Togo, au Zaïre et au Tchad3. Elle est donc un mécanisme spécifiquementafricain. La Conférence nationale est alors perçue comme l’instrument de réussite de la transition démocratique que cette réussite soit un vœu sincère des gouvernants ou un moyen pour eux de gagner du temps face à une contestation populaire grandissante. Sa nature est mixte4. Elle est un rituel de transgression qui permet d’évacuer symboliquement les conflits, elle offre ainsi un espace public de laparole, ce qui conduit certains observateurs à la comparer, à tort ou à raison, à la célèbre palabre africaine5. Mais elle se veut également une structure institutionnelle génératrice de nouveaux pouvoirs qui entend initier les valeurs démocratiques. C’est d’ailleurs pour mener à bien cette seconde mission que la quasi-totalité d’entre elles6 va opérer un véritable coup d’Etat civil en sedéclarant souveraine.

tels que l’effondrement du bloc soviétique, le durcissement de la conditionnalité démocratique perceptible dans le discours de la Baule et les plans d’ajustement structurel de la Banque mondiale, l’accentuation de la crise économique et sociale et un effet d’entraînement consécutif à la Conférence béninoise. 2 Fabien EBOUSSI BOULAGA, Les conférences nationales en Afrique noire –Une affaire à suivre, Karthala, 1993, p. 65-67. 3 Bénin : 19 au 28 février 1990, Congo : 25 février au 10 juin 1991, Gabon : 27 mars au 19 avril 1990, Niger : 29 juillet au 3 novembre 1991, Mali : 29 juillet au 12 août 1991, Togo : 10 juillet au 28 août 1991, Zaïre : 7 août 1991 au 6 décembre 1992 et Tchad : 15 janvier au 7 avril 1993. 4 Jean-Jacques RAYNAL, Les conférences nationales en Afrique :au-delà du mythe, la Démocratie ?, in Revue du droit des pays d’Afrique, L’inconnu, octobre 1994, n°826, p. 317-318. 5 Richard BANEGAS, La Démocratie à pas de caméléon – Transition et imaginaires politiques au Bénin, Karthala-CERI, Collection Recherches internationales, 2003, p. 164-171. 6 A l’exception notable du Gabon et du Mali. Dans ce dernier cas, la souveraineté n’est que partielle etlimitée à l’adoption de l’ordre du jour.

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En dépit de leur diversité7, les Conférences nationales souveraines firent un choix commun. Elles optèrent pour une transition fondée sur la rupture avec l’ancien régime et non sur une réforme progressive. Cette rupture se concrétise juridiquement par la mise en place de nouvelles institutions grâce à une Constitution. Cette dernière est adoptée…