Etude docteur knock – jules romain
Jules Romains (1885-1972), Knock
Une étude de Jean-Luc et D.F.
En produisant Knock en 1923, Jules Romains s’inscrit dans une tradition littéraire bien française : la satire des médecins. Depuis le moyen-âge avec Le Vilain Mire, en passant par Le Médecin malgré lui ou Le Malade imaginaire de Molière, nombre d’auteurs ont stigmatisé l’ignorance, le pédantisme, le jargon des docteurs etsurtout leur inefficacité quand il ne s’agissait pas du danger qu’il faisait courir à leurs malades. Cependant, en créant le personnage du Docteur Knock, Jules Romains a tant appuyé le trait, que sa farce en trois actes dépasse la simple pochade tympanisant la médecine.
* L’argument de la pièce
* De la médecine considérée comme un commerce
* De la médecine considérée commeun instrument de puissance
* Conclusion
L’argument de la pièce
C’est tout à la fois l’histoire d’un trompeur trompé et surtout la rapide accession d’un canton à « l’existence médicale » grâce au génie d’un médecin mâtiné d’homme d’affaires avisé et entreprenant.
Le Docteur Parpalaid, qui, pendant les vingt-cinq ans de son séjour à Saint-Maurice, n’a pas cru à la médecine ni faitfortune, vient de gruger le Docteur Knock en lui vendant un cabinet sans clientèle (acte I). Ce dernier personnage, joignant la ferveur du missionnaire à l’énergie de l’homme d’action, spécule sur la peur de la maladie et révèle le besoin de se soigner à la population du canton en commençant par une consultation gratuite le jour du marché (acte II). Très vite on accourt pour se faire examiner. LeDocteur Knock qui a su fédérer les intérêts du pharmacien, de l’instituteur, de l’hôtelière, a assuré la fortune de ses alliés, mais sa vraie passion, c’est la volonté de puissance. Au bout de trois mois, il peut montrer au Docteur Parpalaid un paysage « tout imprégné de médecine » sur lequel il règne sans partage. Le Docteur Parpalaid finit par le consulter pour lui-même (acte III). Ainsi la minableescroquerie de ce petit docteur de campagne met-elle en valeur les talents de Knock qui, rapidement, a su assurer « le triomphe de la médecine ».
De la médecine considérée comme un commerce
C’est une originalité du personnage. Par rapport à ses devanciers de la tradition littéraire, le Docteur Knock se révèle un homme d’affaires avisé. Il a d’ailleurs fait ses premières armes dans le négoce descravates et de l’arachide. Désormais la maladie sera son gagne-pain : « J’estime que, malgré toutes les tentations contraires, nous devons travailler à la conservation du malade ». Ce propos à double entente signifie moins que Knock empêchera ses patients de mourir, mais surtout qu’il entretiendra leur mal, source de ses revenus.
Désireux de faire fortune, Knock s’y prend avec habileté. Il nousexpose le très moderne concept du marchéage qui consiste à créer le besoin avant de proposer le produit apte à le satisfaire. « Ce que je veux, avant tout, c’est que les gens se soignent ». Aussi n’aura-t-il de cesse à les persuader de la maladie en général et de leur maladie en particulier quitte à adapter ensuite le traitement aux revenus du patient. Ensuite Knock affiche un sens de la publiciténon moins sûr, il saura parfaitement utiliser les services du tambour et appâter le chaland par des consultations gratuites.
Ajoutons sa diplomatie qui le poussera par exemple à demander des conseils au Docteur Parpalaid qu’il considère comme un escroc un peu nigaud, et surtout sa psychologie qui lui permet de deviner très vite les faiblesses de ses patients grâce auxquelles il aura prise sureux. Enfin il a compris que sa réussite ne peut être que le travail d’un groupe où chacun œuvre en fonction de ses capacités : l’instituteur, le pharmacien, l’hôtelière. C’est pourquoi d’ailleurs Knock s’arrangera pour qu’ils ne soient pas contaminés par la peur de la maladie qui sape le canton : son affaire ne saurait prospérer avec des collaborateurs malades.
Pourtant, dès que Knock commence…