France et mondialisation
Dans la lettre qu’il m’a adressée le 2 juillet,
le Président de la République m’a demandé de réfléchir aux
changements de positionnement de la France et de l’Union
Européenne dans le monde globalisé, d’examiner
si la France, et l’Union Européenne, ne devraient pas
aujourd’hui défendre autrement leurs intérêts, promouvoir
autrement leurs valeurs, et de faire, à partir de cetteanalyse, des propositions.
J’examine donc dans les pages ci-après si la France
doit, ou non, repenser sa position face à la mondialisation.
Je m’interrogerai sur son attitude globale, politique et
économique, mais aussi plus spécifiquement sur sa politique
étrangère, sa politique de défense et sa politique d’influence.
J’examinerai quels sont, à mon sens, les avantages et
inconvénientsdu maintien ou de la modification de ces
positions. Je me poserai les mêmes questions concernant
l’Union Européenne, car s’il ne nous revient pas de décider
seuls de son orientation, nous pouvons l’influencer
fortement.
Avant de rédiger ce rapport, j’ai relu l’essentiel de
ce qui a pu être écrit et proposé ces dernières années sur
cette question de la mondialisation par despolitiques, des
parlementaires, des économistes, des analystes et experts
divers, des chefs d’entreprises, ainsi que les analyses
d’opinion qui s’y rattachent.
La France doit elle repenser sa position
face à la mondialisation ?
Remarques préalables
sur la méfiance française
1 -Depuis une quinzaine d’années au moins, l’attitude française envers
la mondialisation se caractérise parune méfiance persistante, et par un
pessimisme constant des Français quant à leur devenir, leur pays, l’avenir de
leurs enfants.
Déjà en septembre 1992, conscient de cette inquiétude qui commençait
à mettre en péril la construction européenne, le Président Mitterrand avait dû
promettre, lors du débat avec Philippe Séguin sur Maastricht : « Une Europe forte
vous protégera mieux ». Vousprotégera : de la mondialisation, dont les études
montraient qu’elle inquiétait déjà les Français. Neuf ans plus tard, en novembre
2001, selon Ipsos, 45 % des Français, (mais 30 % seulement des moins de
35 ans) estimaient que la « mondialisation présente plus d’inconvénients que
d’avantages pour la France », contre 34 % d’un avis opposé. Constante : plus
les Français sont âgés, ou peudiplômés et plus ils se montrent inquiets, mais
l’inquiétude est largement répandue dans toute la population
Au printemps 2006 encore, pour 45 % des Français, elle est un danger.
Pour l’IFOP en 2007, pendant la campagne présidentielle ce sont 74 % des Français
que la mondialisation des échanges inquiète.
Ce ne sont pas les sentiments d’inquiétude et de méfiance des Français quisont particuliers, même s’ils sont élevés mais plutôt leur manque de confiance
en eux.
2 – Les racines de ce désir français de pouvoir être « contre » la mondialisation,
cette espérance dans une « autre » mondialisation, sont profondes et ont été bien
inventoriées :
-l’attachement au rôle structurant, protecteur et re-distributeur de l’État, et plus
largement à celui de la volonté politique,rognés puis remis en cause par les
marchés.
-l’attachement à une identité et à une langue menacées par la marée anglophone
(si la mondialisation se faisait en français, les réactions françaises seraient assez
différentes).
-la jalousie envers ce qui est perçu comme une américanisation.
-une répugnance morale persistante envers l’économie de marché et son moteur,
le profit : les Françaisseraient le grand peuple au monde le moins favorable, et
de loin (35 %) à l’économie de marché.
-la volonté déterminée de conserver une large protection sociale contre la mise
en concurrence directe des ouvriers français et chinois, et la précarité qui
en résulte.
-l’attachement, catholique et marxiste, à l’égalité, voire à l’égalitarisme, la haine
des inégalités spectaculaires et de…