Hamlet
Au premier à bord, Ophélie m’a parut comme une jeune fille obéissante et sans grande personnalité dans l’acte I scène 3. Elle accepte docilement les leçons de son frère Laërte qui la met en garde contre les dangers de l’amour et promet de l’écouter. Mais cette impression est vite effacée quand elle lui conseille à son tour, et non sans ironie, de bien se comporter lui-même! Ce qui prouve qu’elleest loin d’être sotte et effacée. De même, elle est respectueuse et soumise devant son père Polonius qui lui demande de ne plus voir le Prince Hamlet en soulignant la différence de condition sociale qui rend cet amour impossible. Mais elle défend avec ardeur les intentions de ce dernier et reste persuadée de la sincérité du jeune homme. Elle plaide ainsi sa cause auprès de Polonius:
Il a confirméson langage par presque tous les serments sacrés du ciel.
Ophélie est différente. Elle ne ressemble pas à ces héroïnes dont Shakespeare nous a fait coutume. Elle ne se bat pas. Elle prend. Subit. Accepte. Tombe à genoux. Ne se relève pas. Elle est une femme de cette société. Elle leur appartient. Miroir d’une condition féminine. En ayant lule roman, je constate une Ophélie piégée. Cette dernière est l’instrument de sa propre tragédie. Elle est une autre figure d’Hamlet, un Hamlet féminin, lui qui nie tant la féminité. Elle est porteuse d’un conflit inconscient et insolvable.
Preuve en est car par la suite, Ophélie obéit à son père puisqu’elle refuse de voir Hamlet et de recevoir ses lettres. Ce qui provoque une réaction violentede la part du jeune homme dans l’acte II. Elle va plus loin en transmettant à son père la lettre que Hamlet lui a écrite dans l’acte II scène 3. Enfin, elle donne rendez-vous au jeune homme dans la galerie pour permettre à Polonius de l’espionner dans l’acte III scène 1. Bref! Elle trahit son amoureux.
On pourrait en déduire que ses sentiments sont peu ardents et que la raison, les conventions,la peur du qu’en dira-t-on et surtout le devoir d’obéissance d’une jeune fille bien élevée sont venus aisément à bout d’un amour naissant. Mais nous savons qu’il n’en est rien puisque Ophélie est poussée par un destin tragique qui l’amènera inexorablement jusqu’à la folie et la mort.
Comment expliquer qu’elle puisse passer d’une apparente sagesse et retenue aux sentiments extrêmes qui vont laconduire à sa fin ?
La folie d’Ophélie :
Ce glissement dans la folie se fait par étapes au cours desquelles la jeune fille va évoluer du chagrin au plus profond désespoir:
Première étape : acte III scène 1 : Hamlet parle à Ophélie avec une violence et un mépris total, qu’elle en est profondément secouée. Elle avait cru jusque-là à son amour. Elle le croit fou.
Deuxième étape : acte III scène 2: Hamlet humilie Ophélie publiquement en tenant des propos à double sens à la limite de l’obscénité. Ophélie est désemparée et souffre.
Troisième étape : acte III scène 4 : Hamlet tue le père d’Ophélie en pensant qu’il s’agit de Claudius.
C’est dans l’acte IV scène 5 nous apprenons soudain que la jeune fille a perdu l’esprit mais il y a une ellipse dans l’action. Que s’est-il passé entre temps?La jeune fille a appris le meurtre de son père, a assisté à l’enterrement sans fastes de celui-ci, indigne de son rang, elle sait que son frère Laërte est de retour pour tuer Hamlet. Cette succession d’évènements tragiques sont amplement suffisants pour justifier l’égarement de la jeune fille.
Pourtant les paroles du texte qu’elle chante semblent indiquer qu’il existe encore d’autres raisons :Demain, c’est la Saint-Valentin,
Debout dès les premières heures du matin.
Et me voici vierge à ta fenêtre,
Pour être ta Valentine.
Lors il se leva, puis mit ses habits,
Et ouvrit la porte de la chambre,
Fit entrer la vierge,
Qui vierge jamais n’en sortit
Hélas! oh fi! la honte!
Avant de me trousser, fit-elle
le mariage on me promit
Par le jour, l’eusse fait, la belle,
si tu…