Hernani acte 3 scène 1
Dans cet extrait de la première scène de l’acte, Hugo aborde ce thème hérité de la tradition comique par le biais d’un réquisitoire sévère et pittoresque contre la jeunesse de Don Ruy Gomez, archétype classique du vieux mari jaloux, et, a contrario, par un éloge de la vieillesse, développé dans la tirade du vieil homme, qui s’apparente fortement à une déclaration d’amour.
I-Un réquisitoiresévère contre la jeunesse
Dès le début, la périphrase une fille (vers 4), groupe sujet indéfini, désigne évidemment Doña Sol et témoigne d’une habileté oratoire certaine de Don Ruy. Loin d’être un discours sans référent, la tirade du mari jaloux s’adresse directement à celle qu’il espère bientôt épouser.
a-La tonalité sévère de la tirade
S’adressant à Doña Sol, Don Ruy Gomez dresse unréquisitoire ferme, voire virulent, à l’encontre des jeunes hommes (qu’il oppose aux vieux, vers 8) : ces cavaliers frivoles (vers 2), ces jouvenceaux (vers 4), ces jeunes oiseaux (vers 5). Les termes sont péjoratifs et appartiennent au lexique de la dégradation. Usant d’un schéma habituel de la comédie classique, le vieil homme souhaite ainsi ridiculiser les jeunes hommes, alors que, par effet comique,c’est lui qui se rend ainsi ridicule.
Les tournures condescendantes (Mais va, crois-moi, vers 2) et l’amour paternel, amical (vers 16) de Don Ruy Gomez contribuent à ce ridicule. Participant à une logique du mépris, le démonstratif récurrent ces (vers 2, 4 et 5), qui qualifie les jeunes hommes, appuie cette volonté de mettre à distance cette jeunesse.
Du reste, les termes utilisés par levieillard sont révélateurs. Ainsi, l’adjectif épithète frivoles (vers 2) fait écho à la rime à paroles (vers 3), suggérant que cavaliers sont frivoles par leur attitude mais également par leurs paroles. De plus, Don Ruy Gomez est duc (ainsi que le rappelle mon fauteuil ducal, vers 17) et non cavalier, terme qui, par sa référence espagnole (« caballero »), souligne celui qui n’est pas noble.
Latirade se veut ainsi vindicative, voire quelque peu méprisante.
b-Une tirade imprécatoire et ridicule
Victor Hugo s’appuie sur les ressources du langage théâtral pour faire ressortir à la fois le caractère véhément du discours de Don Ruy, mais également, à un second degré, le ridicule.
Un discours véhément
Ce que Don Ruy reproche aux jeunes hommes, c’est leur amour volage et faux. Lamétaphore filée de l’oiseau centralise la première partie de la tirade et fait de leur sentiment l’équivalent de la course rapide et éphémère de l’oiseau dans le ciel. Le système verbal régissant ce réquisitoire est éloquent, inscrivant l’amour dans la perte et l’absence : s’use (vers 3), mue (vers 7). La rime ramage / plumage (vers 6-7) se veut une allusion à la fable de La Fontaine (référence au corbeauqui, pétri d’orgueil, se fait duper par le renard) et participe à la volonté de ridiculiser les jouvenceaux (vers 4). Mais, contrairement au corbeau, ceux-ci ne se laissent pas duper : Elle en meurt, il en rit (vers 5). Sous forme de sentence, par cet hémistiche lapidaire où l’asyndète sert la structure chiasmatique de l’énoncé (elle s’oppose à il, meurt s’oppose à rit), le duc résume le caractèrecynique des jeunes hommes.
Par cet excès de réprobations contre les jeunes hommes, Don Ruy pousse au ridicule et le spectateur ne peut effectivement que sourire devant tant de véhémence, même s’il sait que Hernani est condamné à mourir sur le corps de Doña Sol.
mais ridicule
La métaphore filée de l’oiseau est à double sens. Don Ruy semble assimiler les jeunes hommes à de jeunes oiseaux(vers 5), aidé en cela par le rapprochement homonymique qu’est tenté de faire joyeusement le lecteur entre « volage » et « voler ». De plus, le vieil homme passe sous silence la liberté généralement attribuée à l’oiseau : pour Doña Sol, Hernani est peut-être un oiseau, mais un oiseau qui va lui offrir la liberté, c’est-à-dire l’annulation du mariage.
Mais, c’est à travers le système rimique…