Historique de mètre

Un historique du mètre

par Denis Février

1 – Les anciennes mesures de France
Jusqu’à la fin du 18ème siècle, les mesures étaient d’une extrême diversité. Des mesures de même nature et de valeurs voisines avaient des appellations différentes selon les provinces, voire les villes ou les villages d’une même région. A l’inverse, le contenu physique de mesures de même nom différait en généralselon les lieux et aussi selon la corporation intéressée ou l’objet mesuré.

Une certaine uniformité avait régné au début de l’ère chrétienne, lorsque le pied et la livre de Rome se sont largement répandus en Europe. Mais l’extrême morcellement du territoire devenu depuis, la France, où le pouvoir était alors partagé entre un nombre considérable de seigneurs et de villes, a favorisé uneévolution en vase clos des noms et des valeurs des mesures. Il s’était ainsi formé, au sein de chaque groupe humain, collectivité territoriale ou corporative, un système de mesures approprié aux besoins du groupe, système souvent homogène si on se plaçait du seul point de vue du lieu ou du métier. Néanmoins, l’ensemble des mesures alors en usage en France peut être considéré comme un chaos informe.

Denombreux projets d’unification se heurtèrent ainsi aux résistances locales : Charles le Chauve (Edit de Pitres en 864), Louis le Hutin, Philippe le Long, Edits de François 1er sur l’aunage en 1540-1545, d’Henri II en 1557,  » Suppliques des Etats généraux  » en 1560, 1576, 1614, projets de Henri IV, puis de Colbert, tentatives de Laverdy en 1764, de Trudaine, de Marigny en 1766.

Les noms desanciennes mesures étaient, dans toutes leurs variantes, souvent très imagés, et attachés soit aux dimensions de l’homme (pied, pouce,…), soit à ses aptitudes (journal : étendue de terre travaillée en un jour, galopin : quantité (variable !) de vin que l’on peut boire pendant un repas …) ou à des facteurs naturels (picotin : ration d’un cheval (3,2 L d’avoine),…). Quoiqu’il en soit, au XVIIIèmesiècle, la multiplicité des mesures n’ayant entre elles aucun facteur commun était extrêmement génante, notamment dans les activités administratives, commerciales et scientifiques.

De 1668 à 1776, l’étalon prototype royal de longueur était la Toise du Châtelet fixée à l’extérieur du Grand Châtelet, détruit en 1802. Pour les poids, l’étalon était la pile, dite de Charlemagne, fabriquée vers ledernier tiers du 15ème siècle à partir d’étalons remontant à Charlemagne suivant la légende, composée de 13 poids à godets en cuivre qui s’emboîtent ; le plus petit est plein et les 12 autres creux (le plus grand, constituant la boîte avec couvercle et poignée) pesant en tout 50 marcs ou 25 livres. Il s’agit d’un tronc de cône (hauteur 9 cm) évasé vers le haut, de bases circulaires (supérieure :diamètre 15,5 cm, inférieure : 14 cm).
La  » livre poids de marc  » (0,4895 kg) correspond au 1/25 de l’étalon pesant 50 marcs, soit 12,2377 kg (le marc servant pour fixer le poids des monnaies et les transactions sur les métaux précieux). La pile a servi à déterminer la valeur des étalons provisoire (1795) et définitif (1799) du kilogramme. Cette pile est conservée au musée des Arts et métiers àParis.L’étalon primitif de longueur, qui aurait daté de Charlemagne (?), s’était trouvé déformé au cours du premiers tiers du XVIIème siècle par un affaissement du pilier qui le portait ; il a été remplacé en 1668 par un nouvel étalon, qu’on fit d’ailleurs de 5 lignes (11 mm) plus court que le précédent afin de corriger la déformation de celui-ci. La nouvelle Toise du Châtelet était, comme laprécédente, constituée par une barre de fer, terminée par deux redans dont la distance déterminait la longueur de la Toise.
C’est sur cet étalon de 1668, que furent ajustées en 1735 deux toises (fabriquées par C.Langlois, ingénieur du Roi pour les instruments d’astronomie) utilisées pour la mesure d’arcs de méridien, l’une employée à l’équateur (de 1736 à 1744) par Charles – Marie de La Condamine,…