Honoré daumier
Honoré Daumier naquit à Marseille le 26 février 1808 et fut baptisé trois jours plus tard en l’église Saint-Martin, voisine du domicile familial. Son père, Jean-Baptiste, exerçait la profession, peu lucrative à l’époque, de « vitrier », c’est-à-dire d’encadreur et de peintre décorateur: ce point n’est pas sans importance au regard de l’idée, fort répandue au début du XXe siècle, d’un Daumier issude rien, sorte de génie pur et sans racines. Que Daumier ait été le fils de simples artisans jette d’autre part quelque lumière sur sa relation personnelle, si humble et si grave, au métier d’artiste.
Jean-Baptiste Daumier, qui se croyait poète, ambitionnait une carrière littéraire; en 1814, renonçant à son gagne-pain, il vint à Paris pour y tenter sa chance. En vain car ses médiocres recueilsde vers et sa tragédie, Philippe II , représentée à ses frais en 1819 dans le petit théâtre de la rue Chantereine, ne lui valurent qu’un piètre succès d’estime. La famille Daumier semble avoir connu à Paris de réelles difficultés financières. Aussi, en dépit de son attirance précoce pour le dessin, Honoré dut-il bientôt contribuer à la subsistance des siens. En 1820 – il a à peine douze ans –, onle trouve employé comme saute-ruisseau chez un huissier, puis, l’année suivante, comme commis chez Delaunay, libraire et éditeur au Palais-Royal. Attentif au monde par instinct, avant de l’être par profession, il découvre alors le microcosme parisien: le monde de la justice, tout d’abord, dont plus tard il ne devait cesser de fustiger l’hypocrisie; puis, sous les galeries du Palais-Royal, la foulepittoresque et interlope décrite par Louis Léopold Boilly (1761-1845) dans de minutieux tableaux; au hasard de ses courses, enfin, le petit peuple des rues, des quais et des boutiques. L’univers de Daumier était en place.
Dès 1821, d’ailleurs, profitant des quelques loisirs que lui laisse son emploi, Honoré commence à étudier le dessin. Grâce à son père, qui avait dédié au célèbre fondateur dumusée des Monuments français l’une de ses poésies, il reçoit d’Alexandre Lenoir, ancien élève de David, ses premières leçons de peinture. Il fréquente aussi le Louvre, s’attarde en la compagnie de Rembrandt, de Rubens et de Titien, admire la sculpture antique, et s’essaye à la copie des maîtres. La fortune semble lui sourire: au même moment, en effet, il rencontre Charles Ramelet, un modestepeintre de genre, qui l’initie au métier de lithographe. La première planche connue de Daumier, éditée par G. Engelmann, date de 1822: une voie se dessinait, qui allait permettre à l’artiste de concilier sa vocation avec des impératifs plus prosaïques. Les années suivantes, celles de l’adolescence, sont à tous égards décisives: entre 1823 et 1828, Daumier fréquente l’académie de dessin ouverte parSuisse, un ancien modèle, dans un local désaffecté de la rue Saint-Denis. Il s’y lie d’amitié avec quelques artistes épris d’idéaux révolutionnaires: Auguste Préault – qui, dit-on, l’incita à pratiquer la sculpture –, le peintre Jeanron et peut-être Raffet. Parallèlement, il complète son apprentissage de lithographe chez le Marseillais Z. Béliard, pour lequel il prépare les pierres et exécuteanonymement quelques planches dans le goût du jour: des portraits de célébrités, principalement, d’un style encore impersonnel et emprunté, suffisamment habiles en tout cas pour lui valoir de collaborer, vers 1829-1830, à La Silhouette , l’un des premiers journaux de caricatures, où il côtoie Gavarni, Henri Monnier et, parmi les rédacteurs littéraires, Honoré de Balzac.
La scène politique
Laréputation de Daumier va se jouer entre les deux mouvements populaires de 1830 et de 1848. Stimulé, en effet, par le choc des Trois Glorieuses, auxquelles l’artiste participe aux côtés de ses bouillants amis, et par l’effervescence politique et sociale qui caractérise ensuite le règne du « roi bourgeois », le prodigieux talent de Daumier pour la satire et la caricature éclate alors au grand jour. À…