La conference de cancun
16 octobre 2003
Institut Français
des Relations Internationales
Pour une relance du cycle du développement :
refonder le consensus multilatéral après Cancun
Par Jean-Marie Paugam
chercheur à l’IFRI
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Résumé
Le programme de développement de Doha conjuguait trois demandes divergentes des
membres de l’OMC : les pays en développement voulaient rééquilibrer en leur faveur les
accordsexistants ; les Etats-Unis voulaient un nouveau cycle de libéralisation ; l’Europe le
voulait aussi mais en l’équilibrant par un enrichissement des règles économiques mondiales
sur les « sujets de Singapour ».
Cancun a fait éclater ces ambiguïtés et l’échec de la conférence pourrait engendrer une
panne durable de l’OMC. Cette dernière doit affronter deux grands défis.
Un défi systémique est lié auxlimites de la « méthode de fabrication » du consensus
international, que l’OMC avait de facto héritée du GATT. L’approche mercantiliste de la
négociation a échoué à équilibrer enjeux de libéralisation et de régulation. Le
«consensus censitaire » qui privilégiait le pouvoir des grandes puissances commerciales
affronte les rapports de force nouveaux créés par des stratégies d’allianceinattendues.
La « diplomatie non-gouvernementale » s’est professionnalisée – de Johannesburg à Cancun –
et occupe les vides laissés par l’assistance du Nord au commerce des pays les plus pauvres.
Un défi stratégique est lié au doute sur la pertinence même de la libéralisation
multilatérale comme paradigme de croissance. A Cancun, la géographie des peurs opposait :
l’agriculture du Nord à lapaysannerie du sud ; les industries du sud au géant chinois ; la
doctrine libre-échangiste des institutions multilatérales aux attentes concrètes des pays en
développement sur le terrain de l’aide.
Ce doute est profond et, au-delà de Cancun, pourrait se figer dans une préférence collective
pour le statu quo actuel à l’OMC.
Ce statu quo serait porteur de menaces. Une multiplication des contentieuxemporterait un
transfert de responsabilité du « législateur » vers le « juge » commercial international et
pourrait engendre des tensions politiques et économiques minant le système d’échange
ouvert. La prise de distance américaine vis à vis du multilatéralisme et la montée de la
tentation protectionniste, notamment contre la Chine, accroît la portée d’une telle menace.
Dans ce contexte,l’alternative d’accords commerciaux régionaux de libéralisation a de quoi
séduire, mais pourrait accentuer la marginalisation économique des pays les plus pauvres.
Un effort de relance des négociations de Doha est donc nécessaire. Les diplomates peuvent y
contribuer en recherchant de nouvelles méthodes permettant d’atteindre plus souplement le
consensus : la piste des schémas de «coopération renforcée »ou « accords plurilatéraux »
offre une piste sans doute plus féconde que celles d’une renégociation des thèmes de l’agenda
de Doha, ou de l’engagement de l’OMC dans une réforme institutionnelle d’envergure.
Mais l’effort de relance n’aboutira pas sans remise en chantier d’un consensus politique
multilatéral sur le fond. Pour espérer surmonter les ambiguïtés du programme de Doha, une
mise àjour du partage des responsabilités globales entre acteurs du Nord et du Sud sera
nécessaire. Répartir équitablement le poids des efforts de libéralisation suppose : de
simplifier les équations mercantilistes de la négociation à l’OMC ; d’introduire des bases
objectives de différenciation de chaque niveau de développement ; de systématiser l’effort
d’aide indispensable à l’accompagnement desprocessus d’ouverture au Sud.
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Liesse des ONG, communiqués officiels de victoire ou d’amertume, interrogations des
opinions, doutes sur le sens de l’échec. Rien ne s’est passé à Cancun comme anticipé. Il n’y
a pas eu réellement de négociations : le débat n’a démarré que tardivement, pour avorter très
rapidement. Les alliances ne sont plus ce qu’elles étaient : la fracture agricole a eu…