La maison de claudine
Dans le chapitre 1 Colette présente la maison et le jardin de son enfance. Elle essaye de retrouver les traces de son passé et de ses jeux avec ses frères. Elle croit encore entendre la voix de samère cherchant ses enfants dans le jardin.
« Où sont les enfants ? » Elle surgissait, essouflée par sa quête constante de mère chienne trop tendre, tête levée et flairant le vent. Ses bras emmanchésde toile blanche disaient qu’elle venait de pétrir la pâte à galette, ou le pudding saucé d’un brûlant velours de rhum et de confitures. Un grand tablier bleu la ceignait, si elle avait lavé lahavanaise, et quelquefois elle agitait un étendard de papier jaune craquant, le papier de la boucherie ; c’est qu’elle espérait rassembler, en même temps que ses enfants égaillés, ses chattes vagabondes,affamées de viande crue…
Au cri traditionnel s’ajoutait, sur le même ton d’urgence et de supplication, le rappel de l’heure : « 4 heures ! ils ne sont pas venus goûter ! Où sont les enfants ?…» « 6 h 30 ! Rentreront-ils dîner ? Où sont les enfants ?… » La jolie voix, et comme je pleurerais de plaisir à l’entendre… Notre seul péché, notre méfait unique était le silence, et une sorted’évanouissement miraculeux. Pour des desseins innocents, pour une liberté qu’on ne nous refusait pas, nous sautions la grille, quittions les chaussures, empruntant pour le retour une échelle inutile, lemur bas d’un voisin. Le flair subtil de la mère inquiète découvrait sur nous l’ail sauvage d’un ravin lointain ou la menthe des marais masqués d’herbe. La poche mouillée d’un des garçons cachait lecaleçon qu’il avait emporté aux étangs fiévreux, et la « petite », fendue au genou, pelée au coude, saignait tranquillement sous des emplâtres de toiles d’araignée et de poivre moulu, liés d’herbesrubanées…
– Demain, je vous enferme ! Tous, vous entendez, tous !
Demain… Demain l’aîné, glissant sur le toit d’ardoise où il installait un réservoir d’eau, se cassait la clavicule et…