La peinture de l’amour dans le rouge et le noir
La peinture de l’amour dans
Le Rouge et le Noir . Stendhal
Ce roman peut être lu comme un roman d’apprentissage, d’ascension sociale, mais aussi comme un roman d‘amour. Il a une particularité en tant que roman d’amour car il y a deux héroïnes. « Car ce roman en a deux contre toutes les règles suivies jusqu’ici. » (Stendhal). Deux héroïnes d’importance égale dans le roman et dans la vie dupersonnage. C’est une innovation esthétique qui ne correspond pas seulement à une volonté de pas faire comme les autres mais s’il a fait ça, c’est parce que ça va lui permettre de peindre deux conceptions de l’amour complètement différentes, ce qui nous renvoie à sa conception de l’amour dans son De l’amour, c’est une sorte de théoricien de l’amour. Les liens qui existent entre Stendhal théoricien del’amour et Stendhal romancier de l’amour.
I. Stendhal en tant que théoricien de l’amour
Il a donc consacré un essai à l’amour. D’abord, il révèle une conception taxinomique. Il distingue différentes sortes d’amour : l’amour-passion, l’amour-goût, l’amour-physique et l’amour-vanité. Le premier l’intéresse vraiment et incarne vraiment toutes ces valeurs. Il ne va pas seulement les théorisermais aussi théoriser la naissance de l’amour :
– l’admiration
– quel plaisir de lui donner des baisers et d’en recevoir, etc.
– l’espérance
– l’amour-aimé
– la première cristallisation qui est un processus entièrement imaginaire. Cette dernière opération est absolument une condition sine qua non pour que le reste puisse exister.
– le doute naît : une période douloureuse
– secondecristallisation, nouveaux charmes.
Il faut retenir la notion de cristallisation amoureuse car on voit toute l’opposition entre l’amour de Stendhal et l’amour courtois où les amants seraient promis l’un pour l’autre pour la vie (Roméo et Juliette, Tristan et Iseult). Mais quand on introduit le doute, le fait que l’imagination fabrique l’autre, tel qu’il se l’imagine, la légitimité de l’amour se trouvequestionnée et c’est l’intérêt de la vision stendhalienne des choses.
Le traité de l’amour a aussi l’intérêt de proposer ce qu’au fond les historiens d’aujourd’hui appelleraient le point culturel de l’amour. Stendhal a compris que, contrairement à ce que pensaient les écrivains classiques qu’il n’y avait pas de nature humaine divergente au fil des siècles, les types de société entraînent desmanières d’aimer différentes : une sorte de sociologie de l’amour (différente entre l’Antiquité et la France de la Restauration). Histoire des sensibilités, etc. C’est ce qu’il esquisse dans son traité. Il explore même les différentes nations d’Europe.
La question qui se pose à nous est de savoir ce qu’il reste dans le roman de cette théorisation de l’amour.
A-t-il cherché à représenter l’amour telqu’il se le représente dans son traité ? Y-a-t-il un lien entre les deux Stendhals ?
Mais un roman n’est jamais la mise en forme d’une idée préexistante. Stendhal a beau avoir écrit un traité, le roman n’est pas la mise en application de ce traité, mais il y a des rapprochements possibles. Le traité peut nous aider à éclairer certaines pants du roman. Mais il faut se garder de rapportsdéterministes entre les deux.
II. La peinture de l’amour
A. La naissance de l’amour
Comment Stendhal peint-il la naissance de l’amour dans son roman ?
Chez Mme de Rênal c’est une surprise, elle n’a jamais éprouvé de l’amour, et au fond elle s’accommode de cette situation. « L’amour est lié pour elle à l’idée du libertinage le plus abjecte ». En pensant ainsi, elle épouse les préjugés de sa classe,et en cela, elle est représentative de son temps.
Pour Julien, on constate qu’il n’y a pas de coup foudre, la scène de première vue ne provoque aucun trouble chez lui, dans les pages suivantes, c’est par devoir qu’il veut conquérir Mme de Rênal et « la forcer à l’aimer ». Au fond, au début, il a intégré l’idée que parce qu’il est plébéien, il ne peut pas imaginer être amoureux de cette…