La présomption d’innocence
Dissertation : La présomption d’innocence.
« Un homme ne peut être considéré comme coupable avant la sentence du juge ; et la société ne peut lui retirer la protection publique, qu’après qu’il est convaincu d’avoir violé les conditions auxquelles elle lui avait été accordée. » C’est par ces mots que, dès 1764, Beccaria donnait une première définition de la présomption d’innocence dans sonouvrage Des délits et des peines. Avant cette ouverture, les droits anciens se fondaient sur une disposition toute a fait contraire, l’accusé était présumé coupable jusqu’à ce qu’il ait fait la preuve de son innocence. On basait alors le principe sur la puissance accusatrice procédant de l’autorité qui, par hypothèse, détenait la vérité puisque découlant du droit divin. Si Beccaria était unprécurseur, c’est en 1789 que la présomption d’innocence percera définitivement en droit français. Alors que le droit tente de se déconnecter de la religion, les révolutionnaires vont appliquer le principe qu’il vaut mieux un coupable en liberté qu’un innocent en prison et vont le traduire dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Plus de deux cent vingt ans après, la présomptiond’innocence, définie comme le fait pour toute personne poursuivie d’être considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés tant qu’elle n’a pas été déclarée coupable légalement et définitivement, est internationalement reconnue dans l’article 11 de la déclaration universelle des droits de l’homme qui nous dit que « toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce quesa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. » Elle est également reprise dans la convention européenne des droits de l’homme à l’article 6. Mais alors en pleine affaire Clearstream, les déclarations de notre Président de la République en voyage à New-York nous amène à nous interroger sur comment estvue cette présomption d’innocence en France à l’heure actuelle ? Si l’on peut affirmer que l’effectivité de ce principe est très relative (II), on peut en revanche dire que c’est un principe fort et souvent réaffirmé. (I)
I – Un principe fort, souvent réaffirmé.
On la vu, à l’échelle de l’histoire, ce principe est somme toute relativement récent. Cependant pour le droit, un tel laps detemps peut paraitre une éternité. C’est pourquoi si le principe a été affirmé dès 1789 (A) nous verrons qu’il a du être régulièrement repris dans des textes plus récents. (B)
A) Une affirmation textuelle dès 1789.
Comme dans beaucoup de domaines, la Révolution a tout changé quand à ce principe. Si antérieurement nous étions en présence d’une présomption de culpabilité, l’article 9 de ladéclaration des droits de l’homme et du citoyen va induire une situation nouvelle en disant clairement que « tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable […] ». En se fondant sur les articles circonvoisins, le révolutionnaire voulait permettre le procès équitable et rompre avec les pratiques abusives des rois qui avaient tendance à envoyer des gens un peu pour tout etn’importe quoi en prison par le biais des lettres de cachet du roi. Il faut donc éviter au maximum de punir de manière injuste ou abusive. Cette affirmation a évidemment des conséquences pratiques fortes que l’on peut résumer par une citation de l’article 7 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Nul ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi »fondement d’un autre principe important du droit qui est le principe de légalité. Cela implique en outre de la part des tribunaux d’examiner de façon impartiale les dires et preuves des deux parties, de condamner la diffamation envers un accusé non jugé ou encore d’acquitter l’accusé en cas de doute comme le dit l’adage latin « in dubio pro reo ». Ce principe affirmé dès 1789 en France sera…