La preuve en matière douanière
Etudes et commentaires
Chronique
Douane
La preuve en matière douanière
© Dalloz – La photocopie non autorisée est un délit
par Jean Pannier
Docteur en droit, avocat à la cour de Paris
L’essentiel
La preuve en matière douanière est influencée par le caractère matériel des infractions dans lesquelles l’élément intentionnel trouve donc difficilement sa place. Elle est aussi marquéepar les techniques de renversement de la charge de la preuve nées en temps de guerre ou de troubles économiques graves que la douane a néanmoins su maintenir en raison de leur efficacité. Il n’en fallait pas plus pour que le législateur et la jurisprudence, souvent sollicités pour renforcer les droits de la défense, tentent progressivement de reprendre la main en revenant vers le droit commun de lapreuve. Mission difficile, semble-t-il. Le droit douanier risque alors d’être victime de ses outrances 1.
à foudroyer les procédures douanières « déloyales » tandis qu’elle ne cesse d’étonner la doctrine par ses revirements dans les affaires de droit commun 2. Peut-être faut-il voir là la contrepartie d’un droit toujours ressenti comme draconien qui, il n’y a pas si longtemps encore,interdisait aux tribunaux d’excuser les prévenus sur l’intention et donc d’admettre la bonne foi. Quoi qu’il en soit, la fermeté de la Haute cour est ici remarquable. On examinera d’abord le régime ordinaire de la recherche des preuves tel que défini par le code des douanes mais « modelé » par la jurisprudence, avant de s’intéresser au redoutable système de renversement de la charge de la preuve quirésiste assez vaillamment jusqu’ici à toutes les offensives.
bien des égards, le droit douanier demeure exorbitant du droit commun, sorte de « muraille de Chine » ayant vocation à endiguer de nombreux courants de fraude qui se renouvellent comme les vagues de la mer. D’où la prolifération des textes de circonstances qui ne font qu’accentuer le particularisme – certains diront la marginalisation – dudroit douanier. De la contrebande traditionnelle on est passé à des activités certes plus dangereuses comme l’invasion des stupéfiants, la prolifération des armes, le blanchiment toutes catégories criminelles confondues, etc. Dans ces conditions, l’efficacité de la recherche des preuves, affirme la douane, ne peut s’accommoder des procédures habituelles. Aujourd’hui coexistent donc plusieurssystèmes de preuves tous conçus pour l’efficacité de la répression mais qui n’ont vu que trop rarement fonctionner de véritables soupapes de sûreté sauf lorsque la douane elle-même n’a pas su résister à la tentation d’améliorer le score de ses « fishing expeditions » à l’époque du contrôle des changes. On verra que la nature et l’ampleur des abus ont parfois inspiré une sévérité salutaire lorsque lesaffaires parvenaient devant la Cour de cassation. Paradoxalement, la chambre criminelle n’hésite pas
A
I – La recherche des preuves : les juges reprennent la main
L’article 342 du code des douanes fixe une règle assez souple que la jurisprudence a eu l’occasion d’affiner : les délits et contraventions douaniers peuvent être poursuivis et prouvés par toutes les voies de droit alors mêmequ’aucune saisie n’aurait pu être effectuée dans le rayon des douanes ou hors de ce rayon ou que les marchandises ayant fait l’objet d’une déclaration n’auraient donné lieu à aucune observation. Le texte ouvre ainsi la perspective d’une enquête a postériori et précise qu’il pourra être valablement fait état, à titre de preuve, des renseignements, certificats, procès-verbaux et autres documents fournis ouétablis par les autorités des pays étrangers. A quoi il convient d’ajouter les rapports de police ou des services de la Commission 3. Autrement dit, le fait qu’une marchandise ait franchi la frontière sans encombre et le plus officiellement n’empêche nullement qu’il y ait des contestations ultérieures y compris à la suite d’une coopération internationale qui permettra le cas échéant de…