La volonté de s’associer

Introduction

La jurisprudence affirme de manière constante « qu’il ne saurait y avoir de société sans une volonté de s’associer ». L’élément intentionnel au cœur de l’entreprise en société appelé affectio societatis par la doctrine, et plus rarement par la jurisprudence, compte en effet parmi les éléments spécifiques du contrat de société énoncés par l’article 1832 du Code civil. Lajurisprudence s’est pendant longtemps refusée à définir cette notion, se contentant de souligner que l’affectio societatis se distingue de la volonté de participer aux pertes et aux bénéfices, voire qu’elle n’est que la volonté de s’associer. Mais il s’agit-là d’une volonté qui existe tant au moment de la constitution de la société, que durant la vie sociale.
La volonté de s’associer doit en effet êtredistinguée du consentement à la constitution de la société. Alors que le consentement n’a qu’un aspect ponctuel, formalisé par la rédaction de statuts, la volonté de s’associer englobe la totalité de la vie de la société : il s’agit non seulement de constituer la société, mais de la faire perdurer ; en un mot, de la faire vivre. A cet égard, la société ne peut vivre que par les liens qui existententre les associés. Dès lors, la volonté de s’associer reflète les rapports entre les associés : unis par une même volonté, elle suppose que les associés collaborent de façon effective, dans l’intérêt commun, et sur un pied d’égalité.
On se rend compte très rapidement que cette situation ne correspond pas systématiquement à la réalité et que l’affectio societatis est multiforme : la volonté des’associer peut être un lien extrêmement fort entre les associés, particulièrement dans les sociétés où domine l’intuitu personae ou au contraire, être un lien ténu dans d’autres sociétés. Ce constat amène à se demander comment se manifeste la volonté de s’associer dans la constitution et la vie de la société et quelle est son utilité et ses limites.

I. Manifestation de la volonté de s’associerdans l’entreprise en société

Cette volonté qui doit faire de ceux qui font des apports et s’engagent à participer aux bénéfices et aux pertes des associés ressort de l’article 1832 du code civil. Se pose dès lors la question du but recherché par la volonté de s’associer (A) et par la place de cet élément dans la participation de l’associé à la vie sociale (B).

A. L’objectif de la volonté des’associer

1. Volonté de s’associer et personnalité morale

Dans les sociétés de personnes, la volonté de s’associer est étroitement liée à l’intuitu personae, c’est-à-dire à la personnalité des associés. C’est le cas dans la Société en nom collectif (SNC) qui jouit de la personnalité morale. La question qui se pose est : la volonté de s’associer doit-elle nécessairement déboucher sur lacréation de la personnalité morale, c’est-à-dire d’une volonté propre de la société qui dépasserait celle des associés? (L’intérêt de la société n’est pas l’addition des intérêts des associés).
La question se pose tout particulièrement par rapport à la société en participation qui n’est pas dotée de la personnalité morale : cette société peut à bien des égards n’être considérée que comme pure volontéde s’associer. Est-ce à dire que lorsqu’une société possède la personnalité morale, la volonté de s’associer se transforme en une collaboration tendant à faire « fonctionner » la personnalité morale ? On perdrait donc avec la personnalité morale le côté associatif initial et on assisterait à une dilution de la volonté de s’associer au fur et à mesure de la complexité du fonctionnement de la personnemorale. Mais ce n’est pas forcément le cas car la volonté de s’associer, en tant que lien créé entre les associés, est très largement liée à l’obligation aux dettes sociales qui pèse sur ceux-ci.

2. Volonté de s’associer et dettes sociales

Autre problème étroitement lié à la question de l’intuitu personae : la volonté de s’associer est-elle liée à l’obligation aux dettes sociales? Dans…