Le cid de corneil
Three Mile Island
(Gazette nucléaire n°26/27 mai-juin 1979)
1. Informations techniques
2. Description de l’accident
3. Analyse
4. Aspects radiologiques de l’accident
5. Problèmes liés au plan de secours
6. Impact biologique
7. Petite revue de presse
Encarts et annexes
EDITORIAL
Le 28 mars 1979, à 8 heures du matin à la centrale de Three Mile Island, s’est produit un événementdont les conséquences sont loin d’être connues. Ce jour-là, en effet, est arrivé un accident dans une installation nucléaire civile, accident non prévu dans la liste des accidents «enveloppes» «étudiés?» par les autorités de sûreté et dérivant de l’enchaînement, estimé très improbable, d’une défaillance de matériel, d’une faute de maintenance non prévue à la conception, de deux erreurs deconception (au moins) et de la non-validité de la «procédure de conduite » fournie aux opérateurs.
D’une certaine façon tout le monde savait que ceci arriverait un jour, très exactement le jour où un grand nombre de réacteurs nucléaires seraient en service, et chacun savait qu’alors une page serait tournée.
En schématisant, on peut dire que cet événement peut avoir, selon la façon dont lerecevra l’opinion publique, deux conséquences: soit la remise en cause de l’utilisation pacifique (?) de l’énergie dc fission, soit au contraire son acceptation quasi définitive par la société. En effet, d’un côté, on avance que toute entreprise industrielle a sa part de risques et que, en comparaison l’industrie nucléaire a fait la preuve de son haut degré de sécurité, de l’autre on constate quedivers principes de sûreté ont finalement été mis en échec: rupture ou contournement des trois barrières, à cause du principe de défaillance unique adopté pour définir les scénarins d’accidents enveloppes, impossibilité de prendre en compte les différentes possibilités pour définir a priori une séquence accidentelle, etc.
Nous n’entrons pas ici dans le débat «Pour ou Contre l’énergie nucléaire».Le débat n’est pas entre le mal ou le bien, chacun des termes recouvrant l’une ou l’autre opinion. La question qui est de fait posée par l’accident d’Harrisburg est plutôt quels risques écologiques, économiques, sociologiques, politiques, nous font courir les différentes sources d’énergie. C’est une interrogation plus profonde sur l’avenir, sur ce qui est acceptable par chaque société et ce qui nel’est pas. C’est d’abord la question du pouvoir: qui impose le choix, qui décide de ce qui est acceptable ? au nom de qui ? Et cela commence dès la question de la nécessité et de la possibilité, de l’information du plus grand nombre.
Aux Etats-Unis, les informations se succèdent, très rapidement, des mesures sont envisagées pour les autres centrales du même type ou de type similaire, laNRC, les constructeurs, exploitants, engagent des études remettant en cause la conception actuelle de la sûreté des centrales nucléaires.
En France, la satisfaction de soi, la béatitude ou l’indifférence semblent régner au niveau des instances dirigeantes. On confirme l’engagement accéléré de tranches supplémentaires (celles que l’Iran avait commandées puis annulées)!
Reconnaissons que lasituation française est assez particulière. Notre pays a engagé un pari tellement important pour son avenir que les autorités semblent déjà condamnées à la fuite en avant sous peine de catastrophe économique à court terme. Regardons de plus près: le programme français est basé sur une seule technique avec un seul constructeur, et prévoit la mise en service d’une tranche nucléaire tous les deux moisdans les années à venir. On ne construit plus que ce type d’installation pour la fourniture de l’électricité. Actuellement, une trentaine de tranches sont engagées. Et s’il faut tout arrêter pour réviser, modifier, maintenant ou dans quelques années parce que telle défaillance, tel accident est beaucoup plus probable que prévu ? On voit ce qu’il peut en être avec la situation des D.C. 10……