Le david de bernin
Le David de Bernin
Entre tradition et innovation
Le groupe des sculptures Borghèse constitue un tournant majeur dans la carrière de Bernin comme dans l’histoire de la sculpture. Il s’agit d’une commande privée du Cardinal Scipion Borghèse destinée à ornée sa villa. Bernin est remarqué dès son plus jeune âge par le pape Paul V, lequel confie son éducation au cardinal Mafféo Barberini. ScipionBorghèse, alors membre de la famille papale régnante, s’approprie les services du très prometteur Bernin en lui passant sa première commande d’envergure en 1619, puisqu’elle l’occupa pendant cinq année de sa vie et lui assura une reconnaissance inégalée depuis Michel-Ange.
Cette commande comprend trois sujets mythologiques et un sujet biblique, entretenant chacun des liens étroits avec leurcommanditaire. C’est pourtant l’exécution tout à fait originale qu’a su faire Bernin de ces sujets déjà tant représentés qui nous occupe ici. En effet, entre tradition et innovation, Bernin donne à voir ces qualités d’artiste exceptionnel ouvrant la voie à une nouvelle conception de la sculpture.
Nous traiterons ici du David, dernière commande du groupe, conçu et exécuter en seulement sept mois,avant l’achèvement de l’Apollon et Daphné. Les enjeux de cette sculpture sont majeurs puisque il s’agit de se mesurer au chef d’œuvre consacré de la renaissance italienne : le David de Michel-Ange qui se dressait devant le portail de la seigneurie de Florence . Après une brève description de la figure, nous traiterons des sources qui l’ont inspiré afin de mesurer les particularités de cette œuvrecharnière.
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Bernin nous montre le jeune berger, à la seconde où il s’apprête à projeter la pierre fatale sur un Goliath invisible. Son visage est crispé par la détermination et la représentation de son expression renvoie aux règles classiques sur la physionomie établies par Léonard de Vinci dans son traité de la peinture . Ainsi, les sourcilles froncés
de la sculpture renvoient à unegrande concentration et les dents serrées à une colère sur le point d’éclater. L’autoportrait de Bernin en David et Goliath de 1625 ainsi que le récit de son biographe Filippo Baldinucci démontrent, par ailleurs, que l’artiste s’est basé sur son propre reflet pour cette figure. Selon Avigdor W.G. Posèq, les autoportraits de Bernin suggèrent qu’il partage la foi contemporaine disant que « fournirune indication du caractère de quelqu’un dans une œuvre, montre également ses aptitudes intellectuelles ».
Contredisant le contrapposto classique, Bernin fait basculer tout le corps aux muscles bandés du héros vers la droite, afin de mettre l’accent sur la tension qui habite ce dernier et l’imminence de son action. A ses pieds se trouvent la cuirasse prêtée avant l’affrontement par le roi Saül,ainsi que la harpe avec laquelle il s’accompagnera après sa victoire. La décoration en tête d’aigle ornant l’extrémité de la harpe est une référence directe à Scipion Borghèse puisqu’il s’agit de l’emblème de sa famille. Par ailleurs, l’allusion à la musique est ici capitale. « Dans le cadre d’une villa à vocation culturelle appartenant à un cardinal, Rudolf Preimsberger remarque qu’une image deDavid qui, ayant embelli le culte divin par la musique et la poésie, offre un exemple de “prince lettré“ clérical. David, protecteur des activités culturelles, était placé dans la première salle de la villa ».
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De multiples sources ont précédé au David, dont chacune nous permet d’appréhender différentes particularités de l’œuvre.
« Pour commencer, mieux que tous les sculpteurs quil’ont précédés, Bernin a su associer à la sculpture la sensation du temps, lui donnant une nouvelle dimension ».
En effet, dans la conception de Bernin, l’artiste doit saisir « ces moments décisifs qui permettent à la vérité de s’exprimer . » La source antique au David de Bernin : Le Gladiateur Borghèse mis à jour en 1611, conservé à la villa Borghèse jusqu’en 1798 et aujourd’hui exposé au…