Le droit et la morale
Vocabulaire :
le terme de droit est ici employé dans son sens de « droit objectif », défini comme un « ensemble des règles régissant la vie en société et sanctionnées par la puissance publique », par opposition au « droit subjectif », défini comme une « prérogative attribuée dans son intérêt à un individu lui permettant de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation »(Lexique juridique, 18e éd., Dalloz, 2010).
TERRE, Introduction générale au droit,
Les diverses définitions que l’on peut trouver s’accordent au moins sur un point : le droit constitue un système normatif ; mais il n’est pas le seul (J. Carbonnier, « Le droit en quête de morale », in Droit et passion du droit sous la Ve République, v. infra, p. 114) ! C’est un système normatif parmid’autres qui, comme lui, tendent à réglementer les comportements humains, au premier plan desquels la morale, science du bien et du mal, qui se propose de guider ces comportements par référence à un idéal de vertu. *
Droit et morale 11 Plan # Entre la morale et le droit les relations sont plus nettes qu’avec la religion : de très nombreuses règles de droit sont en effet empruntées de la logique deconciliation,
à la morale, ce qui peut porter à considérer que le droit n’est pas autre chose que la morale relayée et sanctionnée par le groupe social ; les relations étant réciproques, l’on peut aussi estimer qu’en influençant les moeurs, le droit peut rejaillir sur la morale ; il y a d’ailleurs une morale civique. L’analyse des relations entre le droit et la morale est fondamentale à un doubletitre :
a) parce qu’elle peut contribuer à la recherche des critères du juridique ;
b) parce que, ce faisant, elle permet de mettre en relief l’émergence de l’obligatoire de caractère juridique dans la vie en société. 12 1o La distinction du droit et de la morale # Pour classique qu’elle soit, elle est caractérisée par la diversité des critères et des opinions
1. 13 Diversité descritères # N’excluant pas leur cumul, la diversité des critères implique cependant un contrôle de leur pertinence.
a) Les sources du droit et de la morale sont différentes. Les préceptes de la morale résultent de la révélation divine, de la conscience (individuelle ou collective), voire des données de la science, tandis que les règles de droit – disons du droit appliqué dans un pays donné, à unmoment donné – sont issues de la volonté de certaines autorités. À vrai dire, il est fréquent que celles-ci s’inspirent des règles de la morale de sorte que la divinité, la conscience ou la science peuvent apparaître comme des sources médiates du droit. Mais l’on répond que celui-ci n’en serait pas moins formé et formulé d’une manière qui lui est propre. À la réflexion, il ne faut peut-être pasexagérer la différence, car il existe des règles de droit implicites, informelles ou informulées.
b) Les contenus de la morale et du droit sont différents à un double titre. D’abord, en raison de l’objet de la règle : les domaines de l’une et de l’autre ne se recouvrent pas. La morale se préoccupe des devoirs de l’homme non seulement à l’égard des autres hommes, mais aussi à l’égard de lui-même,voire de la divinité : en ce sens, son domaine est plus vaste que celui du droit. Mais, inversement, le droit formule des règles moralement neutres, voire de nature à consolider des situations immorales (le voleur devenant propriétaire après trente ans de possession) : en ce sens, son domaine déborde celui de la morale.N’exagerons pourtant pas l’opposition selon les millieux et les époques, telcomportement est appréhendé par le droit ou laissé par celui-ci dans le seul domaine de la morale 1. Ensuite, en raison de l’objectif de la règle. On dit que la morale est plus exigeante, qu’elle tend à la perfection et qu’elle impose des devoirs de charité rebelles aux techniques du droit jugées en quelque sorte trop rudimentaires. Le droit serait conçu pour la masse, le plerumque fit ; pour…