Le rapport entre la loi et le règlement sous la ve république

DROIT CONSTITUTIONNEL

Dans son œuvre La loi, expression de la volonté générale (1931), Carré de Malberg donne à la loi une définition purement organique et rejette toute limitation matérielle de son domaine de compétences. Selon lui, « la loi tire ses caractères distinctifs de la qualité spéciale de son auteur […], le domaine de la loi [étant] sans bornes, comme celui de la volontégénérale. »
Depuis la Révolution française, la loi est caractérisée par sa souveraineté et sa sacralisation, confirmée sous les IIIe et IVe Républiques. Le changement de Constitution en 1958 entraîne une « révolution juridique » en la matière. En effet, la définition de la loi n’est plus seulement formelle, car s’y adjoignent des éléments matériels. La loi est l’acte adopté par le Parlement selon laprocédure législative dans un domaine de compétences fixé par la Constitution. De cette définition découle le domaine du règlement et celui du pouvoir législatif. L’une des innovations les plus importantes du régime gaullien tient en cette modification, qui selon certains marque la fin de la « souveraineté parlementaire », par l’encadrement du champ d’action des assemblées.
D’une manièregénérale, la loi peut être définie comme une règle écrite générale et permanente élaborée par le Parlement. Cette définition organique n’est pas circonscrite à un domaine particulier. Le règlement est un acte à portée générale et impersonnelle, édicté par les autorités exécutives compétentes. Il souffre d’un défaut de légitimité en comparaison avec la loi, et si sa définition est également formelle,elle suppose un élément matériel, car les autorités « compétentes » qui le signent sont habilitées à agir. En théorie, la loi se trouve en situation de force face au règlement. Elle a une valeur supérieure, une légitimité accrue et elle n’en est par conséquent que mieux reconnue. Or, en la limitant dans son champ de compétences, la Constitution de 1958 rompt cet équilibre classique et tente d’enétablir un autre, dans lequel la loi se situe en retrait par rapport à un pouvoir réglementaire consacré. La Ve République s’est donc construite sur une contradiction initiale bouleversant un ordre juridique ancien. Le maintien de cette relation entre les deux normes est un indicateur de la cohérence du système normatif instauré en 1958.
La Constitution de 1958 visait d’abord à donner auGouvernement les moyens nécessaires à son action, ce qui supposait un domaine réglementaire puissant, séparé du législatif. Tout est mis en œuvre pour que cette séparation soit effective, et les premières années de pratique constitutionnelle accréditent ce postulat. Mais progressivement, la distinction s’amenuise en raison des failles dans le principe de séparation, et de la jurisprudenceconstitutionnelle qui favorise l’extension du domaine de la loi. De fait, l’effectivité de la séparation se trouve remise en question, tandis que la loi semble retrouver sa plénitude antérieure.
Si le rapport entre loi et règlement sous la Ve République est à la fois précis et flou dans sa nature (I), il se révèle, au regard des mécanismes qui en protègent les domaines respectifs, assezinégalitaire (II).

I- Le rapport entre loi et règlement, précis d’après la Constitution,
mais flou dans la pratique

Si loi et règlement sont unis par un rapport à la fois hiérarchique et complémentaire (A), leur délimitation n’est pas rendue aussi claire par la pratique (B).

A- Un rapport à la fois hiérarchique et complémentaire, car délimité
Si les domaines de compétence entreGouvernement et Parlement sont clairement définis aux articles 34 et 37 de la Constitution de 1958, il existe entre ces deux autorités une complémentarité (1). La loi doit rester cantonnée aux compétences que la Constitution lui attribue, tandis que le règlement ne doit pas usurper ses attributions (2).

1- La complémentarité de la loi et du règlement
Le Gouvernement peut intervenir par…