Le respect des cultures traditionnelles
Au cours des années 1964 et suivantes, des Mexicains, des Noirs, des Indiens entrèrent à l’université au nom des nouvelles politiques d’enseignement. Ils vinrent s’asseoir là, mi-curieux,mi-hautains, ou simplement, mi-confus, espérant recevoir une « éducation ». Quelle chance pour un prophète en quête de disciples ! Quelle chance, me disaient mes amis rationalistes, de contribuer à l’expansion dela raison et à l’amélioration du genre humain ! Mes sentiments étaient très différents. Car il m’apparut que les arguments compliqués et les belles histoires que je racontais jusque-là à mon publicplus ou moins raffiné pouvaient n’être rien d’autre que des rêves, des reflets du mépris d’un petit groupe qui, à l’aide de ses idées, a réussi à mettre tous les autres en esclavage. Pour qui meprenais-je à dire à ces gens ce qu’il fallait penser et comment ? Je ne connaissais pas leurs problèmes, bien que je susse qu’ils en avaient beaucoup. Je n’avais aucune familiarité avec leurs intérêts, leurssentiments, leurs peurs, sachant néanmoins qu’ils étaient avides d’apprendre. Est-ce que les raffinements arides que les philosophes ont réussi à accumuler à travers les âges, et que les libéraux ontagrémentés de phrases insipides pour mieux les faire avaler, constituent la chose juste à offrir à des gens à qui on a volé les terres, la culture, la dignité et qui étaient maintenant supposésabsorber patiemment, pour ensuite les répéter, les idées anémiques des expressions vocales de ces robots humains, trop humains ? Ils voulaient savoir, ils voulaient apprendre, ils voulaient comprendre lemonde étrange qui les entourait – ne méritaient-ils pas meilleurs plats ? Leurs ancêtres avaient développé des cultures qui leur étaient propres, des langues hautes en couleur, des visions harmonieusessur les rapports entre l’homme et l’homme, et entre l’homme et la nature dont les restes constituent une critique vivante des tendances à la séparation, à l’analyse et à l’égocentrisme inhérents à…