Le space opera

U. Bellagamba, Le Space-Opera à l’IUT de Digne pour l’AMA ’09

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« La pédagogie de l’espace dans la science-fiction. Le space-opera, entre littérature et cinéma »

par Ugo Bellagamba Conférence prononcée à l’I.U.T. De Digne, dans le cadre de l’Année Mondiale de l’Astronomie, le 16 septembre 2009.

Introduction : Il était une fois l’espace et la science-fiction…

Permettez-moi decommencer par une citation qui me permettra d’illustrer mon propos, de faire l’économie de définitions ennuyeuses, de vous faire ressentir, par la fiction, ce que recouvre la notion de space-opera. Il s’agit des premières lignes des Cométaires, un roman datant de 1936, écrit par Jack Williamson (1908-2006), docteur en littérature anglaise, diplômé de l’Université du Colorado, inventeur du terme de «terraformation », et l’un des plus grands et des plus productifs auteurs américains du genre du XXème siècle : « Phobos tournait au rythme de la Terre, car les anciens conquérants de cette petite lune de Mars avaient réglé son mouvement selon leur impériale convenance. Ils avaient couvert ses roches stériles de verdure, l’avaient enveloppée d’un air artificiel, et, de ses palais, ils avaientgouverné les planètes telles des îles captives. Mais, leurs orgueilleuses flottes spatiales avaient été vaincues et étaient tombées dans l’oubli bien avant le milieu de ce trentième siècle. Autour du soleil, les îles humaines étaient de nouveau libres, et dans le Hall Pourpre humilié, le plus jeune héritier de cet empire perdu n’était plus qu’un prisonnier impatient. »

U. Bellagamba, Le Space-Operaà l’IUT de Digne pour l’AMA ’09

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Tout mon sujet est là, ou presque : la pédagogie de l’espace, celle du système solaire (Mars, Phobos, la Terre, le Soleil), est ici mariée, à un sens aigu de l’épopée et de l’émerveillement (un empire en crise, un prince héritier, un palais majestueux), ce que les anglo-saxons appellent le sense-of-wonder. Mariage, disais-je ? À dire vrai, je préfèreconsidérer l’histoire des rapports entre la science-fiction, littéraire comme cinématographique, et l’espace lui-même, celui que les sciences peuvent explorer et comprendre, astronomie en tête, comme des « fiançailles » qui durent depuis près de deux siècles, disons, par commodité, depuis De la Terre à la Lune de Jules Verne ; depuis si longtemps qu’elles ne peuvent plus être rompues ou concrétisées parune union définitive, tant elles sont tissées de promesses tenues et non tenues, que représentent des oeuvres intemporelles, cultes, ou irrémédiablement datées, telles que Buck Rogers, Flash Gordon, Les rois des étoiles, La faune de l’espace, La légion de l’espace, le cycle de Fondation, l’Histoire du Futur, Destination Moon, Planète interdite, Les Seigneurs de l’Instrumentalité, la série TV StarTrek, les six épisodes de Star Wars, 2001, l’odyssée de l’espace et ses suites, Dune, Hypérion, Le cycle de la Culture, etc. Ce jeu de séduction mutuel a entraîné les « fiancés » dans une valse énivrante depuis l’étroite salle de danse de notre système solaire, jusqu’aux pistes étoilées des plus lointaines galaxies. Mais la fête terminée, il arrive que les amants s’éveillent en proie à unemélancolie grise comme le régolite lunaire, ou hantés par une déception aussi profonde que les grands canyons martiens. Chacun reprend ses habitudes, en se faisant la promesse qu’on ne l’y reprendra plus. L’espace s’en retourne auprès de la science, qui, de prouesses techniques en typologies révisées, fait avancer notre connaissance de l’univers, établit la composition des anneaux de Saturne, redéfinit àl’envi la notion de planète, classe les soleils comme s’ils n’étaient que les pièces de la collection d’une humanité philatéliste. La science-fiction, de son côté, se détourne

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parfois de l’espace au sens astronomique du terme, pour plonger dans l’exploration d’autres thématiques. Conservant son impertinente liberté , elle…