Le tragiques dans les bonnes de genet

Tragique et tragédies revisitées

Introduction

Jean Genet écrit Les Bonnes en 1947, au lendemain donc de la deuxième guerre mondiale. Même s’il n’en est pas question dans l’œuvre, le contexte social et politique en porte tout de même de vifs stigmates. En effet, les atrocités de cette guerre ont rendu l’homme plus sensible à sa condition et bon nombre d’écrivains, de Jean-Paul Sartre à AndréMalraux en passant par Albert Camus, se sont penchés sur la question de la place de l’homme dans l’univers. Cette nouvelle vision de l’homme a fait place à une nouvelle conception du théâtre où les codes changent et poussent ainsi à une redéfinition de ce qui fait l’essence du théâtre, y compris de la tragédie. Il semble en effet intéressant de noter que le titre initial des Bonnes était Latragédie des confidentes, preuve que Genet avait dors et déjà classé son œuvre dans un genre bien défini, c’est ce que nous tenterons de voir. La tragédie était en effet le genre noble par excellence dans le théâtre occidental, régit par La Poétique d’Aristote. Je vais à cet égard vous donner une brève définition de la tragédie, à la lumière du dictionnaire d’Alain Rey. Je ne vais pas revenir sur lasignification de son occurrence dans le théâtre antique, nous l’avons maintes et maintes fois répété l’an dernier, dans notre étude sur Euripide et Aristote. Notons que le premier sens donné au substantif tragédie en français est « conversation, discours sur des sujets déplorables ». Il se modifie ensuite dés le XVIème siècle pour retrouver le sens donné à la tragédie dans l’Antiquité, c’est-à-direune pièce de théâtre à caractère sacrée, puis évolue encore au XVIIème siècle où la tragédie devient celle qui nous est la plus familière, elle désigne en effet un « genre dramatique noble et comportant des éléments tristes et sanglants, déplorables et la façon qu’à l’auteur de traiter le sujet ». Ensuite, la Préface de Cromwell marque un nouveau tournant dans l’Histoire de la tragédie et annoncela déconstruction progressive de ses lois les plus basiques, jusqu’au XXème siècle où les guerres sanglantes et successives changent la vision de l’homme et défont l’image du héros. La tragédie ne tient alors plus de l’accumulation d’exploits d’aventuriers ou de grandeur royale, mais dans l’intériorité torturée de l’homme qui tente en vain dans survivre dans un monde silencieux face à sesquestions existentielles. En somme, depuis la fin du XIXème siècle, le héros est mort : Il ne s’agit plus d’exploit, ni de déclamatoire, mais de la capacité de résistance humaine à la souffrance. Notons qu’il est difficile de parler de tragédie sans définir ce qu’est le tragique. Ce mot désigne une vision particulière du monde et de la vie, où l’homme est aux prises avec des forces qui le dépassent etfinalement, le détruisent, ou du moins lui révèlent son impuissance et sa misère. Ces forces sont souvent exprimées à travers la notion de fatalité. Fatalité face à laquelle se retrouvent les héros de tragédie. Ainsi, Les Bonnes de Jean Genet s’ancre dans ce théâtre en pleine mouvance. L’accueil du public pour le moins hostile souligne l’aspect insolite et dérangeant de cette pièce qui rompt avecles traditions dramatiques qui l’ont précédée. Cependant, la tonalité lyrique qui émane de l’œuvre, ainsi que son dénouement funeste tend à penser que nous sommes bien face à une tragédie. Nous pouvons alors nous demander dans quelle mesure Les Bonnes oscille entre tragédie « classique » et une nouvelle poétique propre à Jean Genet. Donc dans un premier temps nous verrons que l’œuvre s’ancre biendans la lignée de la tragédie classique, puis nous appréhenderons le tragique comme une folie d’exister et pour finir, nous verrons que ce tragique peut être qualifié de métaphysique.

I/ Dans la lignée de la tragédie classique
1) L’héritage classique
Les Bonnes de Genet reprend des topoï de la tragédie bien connus des spectateurs. En effet, l’évocation d’augures renvoie directement à la…