Les belles soeurs
Michel TREMBLAY, Les belles-sœurs, pièce écrite en 1965, représentée pour la première fois en 1968, publiée pour la première fois en 1972.
Cet extrait que j’ai nommé La Vie Quotidienne est récitépar un chœur de cinq femmes. Il évoque le quotidien aliénant et répétitif de la vie de ces ménagères pauvres et incultes. Il est écrit sur un ton lyrique qui exprime le sentiment de lassitude et dedégoût, jamais la joie de ces femmes ménagères.
La vie quotidienne
(Les cinq femmes se lèvent et se tournent vers le public. L’éclairage change.)
LES CINQ FEMMES, ensemble – Quintette : Unemaudite vie plate ! Lundi !
LISETTE DE COURVAL – Dès que le soleil a commencé à caresser de ses rayons les petites fleurs dans les champs et que les petits oiseaux ont ouvert leurs petits becs pourlancer vers le ciel leurs petits cris…
LES QUATRE AUTRES – J’me lève, pis j’prépare le déjeuner ! Des toasts, du café, du bacon, des œufs. J’ai d’la misère que l’yable à réveiller mon monde. Lesenfants partent pour l’école, mon mari s’en va travailler.
MARIE-ANGE BROUILLETTE – Pas le mien, y’est chômeur. Y reste couché.
LES CINQ FEMMES – Là, là, j’travaille comme une enragée, jusqu’àmidi. J’lave. Les robes, les jupes, les bas, les chandails, les pantalons, les canneçons, les brassières, tout y passe ! Pis frotte, pis tord, pis refrotte, pis rince… C’t’écoeurant, j’ai les mainsrouges, j’t’écoeurée. J’sacre. A midi, les enfants reviennent. Ça mange comme des cochons, ça revire la maison à l’envers, pis ça repart ! L’après-midi, j’étends. Ça, c’est mortel ! J’haïs çacomme une bonne ! Après, j’prépare le souper. Le monde reviennent, y’ont l’air bête, on se chicane ! Pis le soir, on regarde la télévision ! Mardi !
LISETTE DE COURVAL – Dès que le soleil…
LESQUATRE AUTRE FEMMES – J’me lève, pis j’prépare le déjeuner. Toujours la même maudite affaire ! Des toasts, du café, des œufs, du bacon… J’réveille le monde, j’les mets dehors. Là, c’est le repassage….