L’opinion
Faut-il admettre toutes les opinions ?
L’opinion est un jugement personnel, propre à chaque individu, souvent établi par des préjugés liés à l’éducation ou à l’expérience personnelle. En soi, elle n’est donc pas universelle mais individuelle. Ainsi s’oppose-t-elle par essence à l’idée philosophique dans la quête du vrai universel. Cependant, l’opinion est un jugement spontané régi par lessentiments, aussi ne peut-elle être totalement éradiquée de l’être humain. C’est pour quoi il faut se demander, dans un raisonnement philosophique, si une opinion peut être tenue pour vraie, tolérée ou si elle dévie forcément toute pensée du Bien.
Depuis des siècles, des hommes se sont battus pour obtenir les droits fondamentaux humains dont une partie du monde jouit aujourd’hui. Parmi ces droitsse trouvent le droit d’expression et la liberté de penser. Si la philosophie revendique l’objectif de se détourner du Mal au profit du Bien, elle se contredirait elle-même en réfutant ces droits, c’est-à-dire en rejetant la façon de penser d’autrui sous prétexte qu’elle serait orientée par l’éducation, ou les expériences personnelles et non par la Raison. Elle appliquerait dans ce cas unerépression, telle que celle que connaît l’autre partie du monde où règnent dictature et censure, où les libertés sont compromises, ce qui remettrait en question des siècles de réflexion ayant mené à la conclusion que l’esclavage, par exemple, n’a rien de raisonnablement acceptable.
L’Histoire a façonné une société dans laquelle se côtoient différentes cultures, différents statuts sociaux, et d’autresparamètres indéniables qui mènent inéluctablement à des divergences d’opinions. Or, la Raison, outil de la recherche du Bien et donc du bonheur, nous suggère d’éviter le conflit dans la mesure du possible, puisque le conflit entraîne la souffrance et donc le Mal. Afin de vivre en communauté, chacun se doit de tolérer l’opinion d’autrui en dépit de la sienne. Cette tolérance est d’autant plusindispensable que celui qui raisonne en se basant uniquement sur ses opinions raisonne avec ses sentiments, or, si l’on contredit et rejette catégoriquement le sentiment de son interlocuteur sans jamais l’écouter, on court le risque de l’enfermer dans sa position, car ses sentiments prédominent son être. Alors, il n’y aurait plus d’accès à la discussion possible, ni à la Raison par conséquent.
Si l’onpeut se permettre de tolérer les opinions, c’est parce que cela n’engage en rien un jugement de valeur. La tolérance n’est rien de plus que l’acceptation de l’existence d’une chose, et non l’approbation. En tolérant, on accède à la pensée d’un autre, et cela peut nous permettre d’évoluer dans un raisonnement philosophique, car l’opinion est un témoin important. Elle est témoin d’une Histoire, elleest témoin d’un ressenti général. L’opinion publique, collective, est un indice non négligeable sur l’impact du temps et des évolutions du monde sur une génération. Elle donne ainsi des pistes intéressantes pour raisonner sur le Bien et le Mal en comparant les avis d’une époque à une autre, en observant parallèlement ce qui a changé et a donc pu provoquer les changements de mentalité.Cependant la tolérance a des limites, notamment lorsqu’il s’agit d’agir. Si l’on peut tolérer un regard sur une chose, peut-on tolérer un agissement qui irait à l’encontre de ce qui est acquis pour Bien sous prétexte que selon l’opinion d’un individu, ce qu’il fait est juste ? De plus, peut-on tolérer une opinion que la science réfute avec démonstration à l’appui ?
Ne pas remettre en questionl’existence de Dieu, décider que la musique classique est plus belle que la musique techno, ces opinions, ces choix de valeurs, ces croyances n’ont bien souvent pas de réelle conséquence sur la vie d’autrui, et bien heureusement. Seulement, il peut arriver qu’une opinion soit si fervemment ancrée en l’Homme, qu’une croyance soit suffisamment imbriquée dans son esprit pour qu’il en oublie de tolérer à…